À la suite du conflit russo-ukrainien, L’Italie a engagé une stratégie d’importation qui se relève aujourd’hui payante. Fin Fevrier dernier le pays se lançait dans une tournée des principaux producteurs de gaz africains. Alors que l’Allemagne de son côté piétinait pour trouver des solutions pérennes au remplacement de gaz russe horizon mi-2024. Cependant cet objectif semble encore un peu trop ambitieux pour certains acteurs tels que RWE qui estiment que cela pourrait prendre plus de temps.
L’anticipation Italienne
Dans la foulée du conflit Ukrainien, Mario Draghi alors représentant du gouvernement et le PDG d’Eni se sont lancés dans une tournée des principaux pays producteurs de gaz. Ces visites ont été planifiées selon une feuille de route construite avec brio. En effet depuis fin février les responsables Italiens ont su nouer des relations qui se sont avérées payantes, rapidement avec notamment l’algérien SONATRACH en février puis Les mois suivant, des pourparlers avec les gouvernements d’Angola, d d’Égypte et de République du Congo.
Eni, tire alors parti de ses relations d’approvisionnement existantes pour obtenir du gaz supplémentaire. L’objectif est de remplacer une grande partie des volumes émanant de son principal fournisseur, la Russie. Il s’agit d’un changement agile que de nombreux pays européens accomplissent alors que le conflit russo-ukrainien perdure.
L’Allemagne, puissance économique et longtemps synonyme de planification prudente, est au bord de la récession. Son industrie se prépare au rationnement du gaz et de l’électricité.
L’Italie, pays habitué aux crises économiques, semble relativement résiliente. Le pays obtient des approvisionnements supplémentaires et réussit à convaincre qu’il n’aura pas besoin de rationner le gaz. En outre, le gouvernement se gratifie en saluant le pays comme le meilleur d’Europe en matière de sécurité énergétique.
Des disparités européennes
Les deux pays se trouvent dans des circonstances contrastées alors qu’une grave crise énergétique pèse de manière inégale sur un continent. Une grande partie du continent se confronte à une crise d’approvisionnement hivernale, notamment l’Allemagne, la Hongrie et l’Autriche. À l’inverse, les pays les moins touchés comme l’Italie, la Suède ou le Royaume-Uni ne comptent pas sur la Russie.
Si l’Italie comptait sur la Russie, son plus grand fournisseur de gaz, sa diversité de fournisseurs constitue un atout précieux. Ainsi, le pays à la possibilité de s’appuyer et d’intensifier ses liens de longues dates avec l’Afrique. Le pays était ainsi le mieux placé pour résister à un arrêt des approvisionnements provenant de la Russie.
La pénurie d’énergie causée par le conflit oblige les gouvernements à affronter les risques d’une dépendance excessive à l’égard d’un fournisseur. Elle fait écho à la crise énergétique des années 1970 qui conduisait l’Occident à repenser sa dépendance au Moyen-Orient. Ce changement stimulait alors l’exploration mondiale et la recherche de fournisseurs alternatifs comme le Venezuela et le Mexique.
Le ministère allemand de l’Économie déclare qu’il souhaitait s’affranchir le plus rapidement possible des importations de gaz russe. L’Allemagne va notamment effectuer une location de cinq terminaux flottants pour le gaz naturel liquéfié (GNL). Actuellement, le pays ne dispose d’aucun terminal GNL, alors que l’Italie en a trois en service et en a récemment acheté deux autres.
Diversification des livraisons de gaz
L’Italie consommait 29 milliards de mètres cubes de gaz russe l’année dernière, soit environ 40% de ses importations. Le pays remplace progressivement approximativement 10,5 milliards de mètres cubes de gaz russe par des importations accrues. Ainsi, à partir de cet hiver, le gaz provient d’autres pays.
La majeure partie du gaz supplémentaire proviendra d’Algérie. Le pays indique qu’il augmenterait ses livraisons totales à l’Italie de près de 20%. Les livraisons de gaz depuis l’Algérie vers l’Italie atteindraient 25,2 milliards de mètres cubes de gaz cette année.
À partir du printemps 2023, un flux croissant de GNL commencera à arriver en Italie. Le GNL proviendra notamment de l’Égypte, du Qatar, du Congo, du Nigeria et de l’Angola. Ainsi, Rome remplacera 4 milliards de mètres cubes de gaz supplémentaire de gaz russe.
L’année dernière, l’Allemagne importait 58 milliards de mètres cubes de gaz russe. Ce chiffre représentait 58% de la consommation du pays. Toutefois, les approvisionnements depuis Nord Stream 1 ne s’effectuent plus depuis le mois d’août.
Des trajectoires divergentes
L’Allemagne est dans l’impossibilité d’assurer des approvisionnements de remplacement à long terme suffisant auprès d’autres pays. De plus, le pays ne dispose pas d’une compagnie pétrolière et gazière nationale produisant à l’étranger comme l’Italie avec Eni. Ainsi, le pays est contraint de se tourner vers le marché au comptant.
L’Allemagne ne bénéficie pas de la proximité de l’Italie avec l’Afrique du Nord. Elle ne jouit pas non plus des richesses de la Grande-Bretagne et de la Norvège en mer du Nord. Enfin, elle ne dispose pas de réserves importantes de pétrole ou de gaz.
Les dirigeants allemands multipliaient les erreurs de calcul ces dernières années, notamment après le rattachement de la Crimée à la Russie. En 2006, c’était l’Italie qui était la plus rapide à s’approvisionner en gaz russe. Eni concluait à l’époque le plus gros contrat de gaz jamais signé par une entreprise européenne avec le géant Gazprom.
Toutefois, au cours des huit dernières années, les deux pays divergent. L’Allemagne doublait sa part de gaz russe jusqu’à devenir de plus en plus dépendante. À l’inverse, l’Italie cherchait à se couvrir.
L’avertissement de 2014
L’Italie commençait à tracer une voie différente en 2014, lorsqu’un nouveau gouvernement remplaçait celui de Silvio Berlusconi, un ami de Poutine. Parallèlement, l’arrivée de Descalzi à la tête d’Eni entérinait le changement de stratégie de l’Italie en matière énergétique. Ainsi, dès son arrivée à Eni, Descalzi se concentrait sur l’exploration de l’Afrique.
En 2015, Eni remportait un succès en Égypte avec la découverte du plus grand gisement gazier de la mer Méditerranée, Zohr. Ainsi, l’entreprise démarrait la production, en moins de deux ans et demi, marquant un développement rapide comparativement dans l’industrie. En outre, En Algérie, Eni concluait un accord en 2019 pour renouveler les importations de gaz jusqu’en 2027.
Le rattachement de la Crimée à la fédération de Russie en 2014 constitue un tournant. Rome retirait son soutien au projet South Stream de Gazprom, d’une valeur de $40 milliards. Ainsi, Eni abandonnait South Stream dans l’année, avant que le projet ne soit plus une priorité pour Moscou.
L’Italie se tournait vers la construction du gazoduc transadriatique, partant de l’Azerbaïdjan et passant par la Grèce et l’Albanie. De son côté, l’Allemagne ne réduisait pas son exposition à la Russie. En outre, l’Allemagne formait, en 2015, avec Gazprom et des entreprises un consortium afin de construire le gazoduc Nord Stream 2.