Dans un rapport, le groupe industriel Hydrogen Europe fixe les conditions liées à l’évènement de l’utilisation de l’hydrogène vert dans la production d’acier. Aussi appelé acier vert, il faudrait que le prix de l’hydrogène livré soit inférieur à 3 euros/kg (3,10 dollars/kg). Ainsi, sa production européenne atteindrait le seuil de rentabilité au vu des prix élevés de l’énergie.
Un objectif qui semble encore flou
Le coût de la production d’hydrogène renouvelable par électrolyse alcaline en Europe a été évalué à 10,70 euros/kg. Établis le 11 mai aux Pays-Bas, cette estimation est basée sur les prix de l’électricité pour le mois à venir, selon S&P Global Commodity Insights.
Selon Hydrogen Europe, les prix de l’hydrogène devraient tomber en dessous de 1,50 euro/kg dans un « scénario de prix ajustés ». Une hypothèse qui suppose que les prix baissent pour refléter les futures baisses potentielles des prix des combustibles fossiles. Ces données sont issues du rapport « Steel from Solar Energy », publié le 11 mai dernier.
Si les deux prédictions sont différentes, le prix d’équilibre du CO2 reste prévisible à 140 euros/mt, selon le rapport. Selon une évaluation Platts, les prix européens des quotas de carbone pour livraison en décembre 2022 devraient cependant diminuer. Ils sont établis à 88,83 euros/mtCO2e dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission.
L’hydrogène vert, une solution d’avenir
Avec une industrie très polluante, la production d’acier représente plus de 7% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. En 2019, la Direction générale du Trésor défendait “la mise en place d’une taxe carbone aux frontières” pour le secteur de l’acier. Dans un rapport du Sénat, plusieurs pays comme l’Espagne ou la Pologne s’intéressait à cette idée.
Afin de lutter contre le réchauffement climatique, l’Union Européenne cherche donc également à produire de l’acier vert. Pour y parvenir, l’utilisation d’hydrogène vert dans le processus est régulièrement mis en avant. En effet, l’hydrogène permet de modifier l’étape la plus polluante de la production d’acier : la réduction du minerai de fer.
Comme l’explique le conseiller en innovation Alcimed, la « production d’acier est basée sur 2 réactions distinctes ». L’une des deux, la réduction du minerai de fer, libère beaucoup de CO2. Consistant à enlever les atomes d’oxygène du fer initial, l’utilisation de l’hydrogène ne produirait que de l’eau en fin de réaction.
L’objectif d’une industrie aussi propre que possible
Le seuil de rentabilité de 3 euros/kg d’hydrogène vert ne prend pas seulement en compte cet aspect. En plus de la réduction du minerai de fer, il projette également l’utilisation de four à arc électrique. Le tout, en prenant comme base la production d’acier en haut-fourneau, soit à partir de 900°C.
Actuellement, la production d’acier en haut-fourneau produit entre 1,6 et 2,0 millions de tonnes de CO2 par tonne d’acier brut. L’urgence est donc à la réduction de ce chiffre, Hydrogen Europe propose d’ailleurs un scénario optimiste. Dans le rapport publié récemment, l’organisme explique ses prédictions ainsi :
« On s’attend à ce qu’une nouvelle baisse des coûts de la technologie solaire photovoltaïque, associée à une réduction des coûts d’investissement des électrolyseurs, résultant de la mise à l’échelle et de l’automatisation du processus de fabrication, conduise à une baisse significative des coûts de production de l’hydrogène renouvelable au cours de la prochaine décennie. Les coûts d’investissement des électrolyseurs devraient à eux seuls diminuer d’environ trois quarts par rapport aux niveaux actuels au cours de cette période. »
Selon BloombergNEF en 2021, l’hydrogène vert coûtera moins cher que celui produit à partir du gaz naturel d’ici à 2030. Le développement des énergies photovoltaïques et éoliennes participe grandement à cette évolution. L’indépendance énergétique voulue suite à la Guerre en Ukraine participe de plus au développement de ces secteurs énergétiques.
Une stratégie 100% hydrogène vert confronté à la réalité
Hydrogen Europe explique qu’au-delà des difficultés de production initiales, le « deuxième défi est celui de l’échelle. » Dans une analyse, S&P Global Commodity Insights réalise une mise à l’échelle de ces prédictions et déclare ceci :
« La capacité des hauts fourneaux à métaux chauds de l’UE s’élève à environ 103M de tonnes par an, selon l’association. Le passage à l’hydrogène permettrait d’économiser jusqu’à 196 millions de tonnes/an d’émissions de gaz à effet de serre. Mais cela nécessiterait jusqu’à 5,3M de tonnes/an d’hydrogène renouvelable et 370 TWh de production d’électricité renouvelable supplémentaire. »
En comparaison, l’Europe une croissance annuelle de nouvelle capacité solaire de 75 GW en 2026, selon Solar Power Europe. Pour l’hydrogène vert, l’UE vise une production de 10 millions de tonnes par an d’ici à 2030. Les importations devraient aussi augmenter de 10 millions de tonnes par an à cette date.
D’après Hydrogen Europe, la conversion d’une seule aciérie produisant 4 millions de tonnes d’acier brut par an nécessiterait 1,2 à 1,3 GW d’électrolyse pour fournir le carburant nécessaire. L’association estime que cela nécessitera un investissement en capital de 3,3 milliards d’euros. Pour garantir un approvisionnement régulier, des réserves d’hydrogène vert seront également nécessaires.