L’hydrogène bleu, une source d’énergie prometteuse, est-il véritablement une solution contre le réchauffement climatique ?
L’hydrogène bleu, une solution moins polluante ?
Bien qu’encore peu utilisé à cause de son coût élevé, l’hydrogène est considéré comme une source d’énergie décarbonée prometteuse. Aujourd’hui, 96% de l’hydrogène est produit à partir de combustibles fossiles, notamment par reformage du méthane à la vapeur (RMV). Cet hydrogène est appelé hydrogène gris.
L’hydrogène peut également être produit par électrolyse de l’eau. Lorsque l’électricité provient d’une source propre et renouvelable, comme l’hydroélectricité, l’éolien ou le solaire, il s’agit d’hydrogène vert. Pour l’instant, l’hydrogène vert n’est pas compétitif par rapport à l’hydrogène gris.
L’hydrogène gris émet beaucoup de gaz à effet de serre (GES). D’où le développement de l’hydrogène bleu, dont les émissions carbonées sont captées et stockées. Néanmoins, les émissions de GES provenant de sa production ne sont pas nulles, le captage étant parfois incomplet. Cet hydrogène émet notamment beaucoup de méthane, un GES, au bas mot, 20 fois plus puissant que le CO2.
L’hydrogène gris émet environ 153 geqCO2/MJ
Une étude publiée dans Energy Science & Engineering calcule les émissions issues de la production d’hydrogène gris et bleu. Les émissions de l’hydrogène gris proviennent à la fois du procédé RMV et de l’énergie nécessaire au fonctionnement du procédé. Pour l’hydrogène bleu, l’étude considère les émissions provenant du captage et du stockage de carbone.
Dans le procédé RMV, une mole de méthane produit une mole de dioxyde de carbone et 4 moles d’hydrogène. Le contenu calorifique brut de l’hydrogène est de 0,286MJ par mole, ou 3,5 moles d’hydrogène par MJ.
Selon les calculs de l’étude, un RMV consomme 14 geqCO2/MJ de méthane et produit 38,5 geqCO2/MJ (grammes équivalents CO2 par mégajoule).
Consommation et production de l’énergie alimentant le procédé RMV
En outre, la production d’hydrogène à partir du méthane nécessite un apport important d’énergie : 2,0 à 2,5kWh par m3 d’hydrogène. Cette énergie provient essentiellement du gaz naturel, pour l’hydrogène gris comme pour le bleu. La combustion du méthane nécessite ainsi 0,1814MJ par mole d’hydrogène produite et relâche 50 geqCO2/MJ.
Donc la chaleur et la pression nécessaires au RMV impliquent l’émission de 31,8 geqCO/MJ d’hydrogène produit. Puisqu’il faut une mole de méthane pour produire une mole de CO2, la consommation de méthane s’élève à 11,6 geqCO2/MJ.
La somme du CO2 provenant du RMV (38,5 geqCO2/MJ) et de l’énergie utilisée pour l’alimenter (31,8 geqCO2/MJ) est de 70,3 geqCO2/MJ de CO2. En outre, il faut de l’énergie pour produire, traiter et transporter le gaz naturel utilisé pour produire l’hydrogène. Ces émissions indirectes rajouteraient environ 7,5%, soit 5,3 geqCO2/MJ, portant le total des émissions de CO2 à 75,6 geqCO2/MJ.
La somme des quantités de méthane consommée lors du RMV (14,04 geqCO2/MJ) et pour l’alimenter (11,6 geqCO2/MJ) est de 25,6 geqCO2/MJ. Néanmoins, ce chiffre n’inclut pas les émissions de méthane non-brûlé, inévitables lors de la production du gaz naturel. Celles-ci s’élèvent à 77,4 geqCO2/MJ.
Au total, l’hydrogène gris émet donc environ 153 geqCO2/MJ.
L’hydrogène bleu n’émet que 9 à 12% de moins que l’hydrogène gris
Cet hydrogène diffère de l’hydrogène gris en ce qu’une partie du CO2 libéré par le procédé RMV est captée. Dans certains cas, du CO2 issu de la combustion du gaz naturel pour alimenter le RMV est aussi retiré. L’électricité nécessaire au captage de carbone est une troisième source de CO2 et de méthane, généralement non-captée.
Combien de CO2 reste-t-il après le captage ?
Le captage étant une technologie nouvelle et son taux d’efficacité étant donc difficile à déterminer, l’étude l’estime à 85%. 85% des émissions de CO2 issues du RMV équivalent à un résidu de 5,8 geq/MJ de CO2 émis.
Jusqu’ici, il n’y a eu aucune tentative de captage du CO2 issu de la combustion du gaz pour le RMV. Cependant, l’étude estime l’efficacité du captage à 65% dans ce cas-ci, soit 11,6 geqCO2/MJ de résidus de CO2.
Les émissions de CO2 totales issues du RMV et de son alimentation s’élèvent à 16,9 geq/MJ si les fumées sont captées. Elles sont de 37,6 geq/MJ si les fumées de combustion ne sont pas traitées.
16,3 geqCO2/MJ pour le captage
Il faut de l’énergie pour capter le CO2 et cette énergie provient souvent de la combustion de gaz naturel supplémentaire. Actuellement, les installations de production d’hydrogène bleu ne captent pas le CO2 issu de la production de cette électricité. L’étude suppose que l’énergie utilisée pour le captage émet l’équivalent de 25% du CO2 capté lors du RMV, soit 8,2 geqCO2/MJ.
Les émissions de captage du CO2 émis pour l’alimentation sont estimées à 39% des émissions capturées, soit 8,1 geqCO2/MJ. Au total, 16,3 geqCO2/MJ restent donc après captage du CO2 issu à la fois du RMV et de son alimentation.
Consommation de méthane pour le captage
Pour chaque mole de CO2 émise, une mole de méthane est brûlée. Donc le méthane brûlé pour alimenter le captage équivaut à 3 geqCO2/MJ, si seules les émissions du RMV sont captées. Si le CO2 issu de l’alimentation du RMV est aussi capté, il faut 3 geqCO2/MJ de méthane supplémentaire, totalisant 6 geqCO2/MJ.
Il faut également comptabiliser les émissions de méthane non-brûlé provenant de l’énergie utilisée pour le captage du CO2. Celles-ci représentent 9,5 geqCO2/MJ si seul le CO2 SMR est capté. Mais 18 geqCO2/MJ si les émissions de combustion sont également captées.
L’hydrogène bleu émet environ 139 à 135 gCO2/MJ
L’étude rajoute les émissions de CO2 indirectes en amont, estimées entre 5,9 geqCO2/MJ et 6,5 geqCO2/MJ selon le captage à la combustion. Dans le cas où seules les émissions RMV sont captées, les émissions totales de CO2 s’élèvent à 51,7 geqCO2/MJ. Lorsque les émissions de gaz de combustion sont également captées : 39,7 geqCO2/MJ.
En somme, le captage du CO2 issu des gaz de combustion réduit les émissions totales de CO2 de 23% seulement. Cela s’explique par l’efficacité relativement faible du captage sur les gaz, et aux quantités de gaz supplémentaires nécessaires au captage.
Les émissions de méthane en amont pour produire cet hydrogène sont de 86,9 geqCO2/MJ lorsque seules les émissions RMV sont captées. Lorsque les émissions de gaz de combustion sont également captées, les émissions de méthane s’élèvent à 95,4 geqCO2/MJ.
En somme, l’hydrogène bleu émet entre 139 geqCO2/MJ et 135 geqCO2/MJ lorsque les gaz de combustion sont également traités. Soit 9 à 12% de moins que pour l’hydrogène gris.
Conclusion : les émissions équivalent CO2 s’envolent pour les deux procédés
En réalité, les émissions combinées de CO2 et méthane sont plus importantes pour l’hydrogène gris et bleu que pour n’importe quel combustible fossile. Le méthane est le principal responsable de ces fortes émissions de GES. À contrario, les émissions de CO2 de l’hydrogène gris ou bleu sont inférieures à celles du charbon ou du diesel.
Si l’hydrogène bleu est plus « vert » que l’hydrogène gris, ses émissions de GES restent donc considérables. Les vertus écologiques de cette source d’énergie sont donc à nuancer.