L’Europe face au Monopole Gazier de Gazprom

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Les tensions entre la Russie et l’Europe ont atteint un nouveau paroxysme cette semaine. En cause, des exportations de gaz à leur plus bas niveau et des tensions toujours plus fortes avec l’Ukraine.

L’Europe face à la chute des exports de gaz russe

Depuis lundi 20 décembre 2021, les exportations de gaz russe transitant par le gazoduc Yamal sont de nouveau au plus bas. Les volumes à destination de l’Europe, habituellement autour de 10 millions de kWh/h ont chuté à seulement 370.000 le 20 décembre 2021.

Mercredi 22 décembre, les mesures oscillaient entre 900.000 et 1,6 million de kWh/h selon les points de passage. En conséquence, les prix du gaz ont connu mardi 21 décembre une nouvelle hausse de 16% pour atteindre €171,40/MWh mensuel aux Pays-Bas. Un énième record battu dans ce contexte énergétique très tendu pour l’Europe.

Le gazoduc Yamal-Europe traverse l’Europe d’est en ouest de la Russie à l’Allemagne en passant par la Biélorussie et la Pologne. (source : Gazprom)

Le pire serait à venir

Mais le pire serait à venir. Selon le gazier ukrainien Naftogaz, Gazprom a cessé de communiquer ses offres d’achat. De plus, l’entreprise n’aurait planifié que 8,3 millions de kWh/h de capacité vers l’Europe sur Yamal en janvier 2022.

Gazprom s’est défendu de toute manipulation, arguant que la priorité était donnée au marché russe en période de grand froid. Toujours selon Gazprom, l’entreprise reste dans le respect des dispositions légales conclues avec l’Ukraine et l’Europe.

L’Ukraine appelle l’Europe à mettre fin au monopole de Gazprom

Dans ce contexte particulièrement tendu, Naftogaz a adressé une requête à la Commission européenne. La compagnie appelle l’Europe à agir contre le monopole de Gazprom qui, selon ses termes, est négatif.

« Les actions de Gazprom sont anti-compétitives et ont un impact fondamentalement négatif pour tous les consommateurs Européens. », déclare Yuriy Vitrenko, directeur de Naftogaz.

Situation de dépendance vis-à-vis de Gazprom

Gazprom dispose effectivement d’un monopole sur les gazoducs russe en vertu d’une loi de 2006. Ce faisant, l’entreprise a un contrôle total sur tous les transits en partance pour l’Europe passant par la Russie. Si bien que les exportations issues d’Asie centrale ou d’entreprises privées dépendent aussi de Gazprom, détenu à plus de 50% par l’État Russe.

Une situation intenable pour l’Ukraine qui, de fait, dépend de la Russie pour assurer son approvisionnement énergétique. De même pour l’Europe dont le tiers de la consommation en gaz est affrétée par le géant russe.

La Russie grande gagnante de la crise?

Cette situation profite bien entendu à Gazprom qui bénéficie des retombées de la flambée des prix du gaz. Pour 2021, l’entreprise devrait ainsi dépasser les €30 milliards de bénéfices après des revenus records entre juillet et septembre 2021. De même, 2022 est appelée à connaitre une nouvelle inflation des prix avec de nouveaux bénéfices records.

Cependant, cette suprématie pourrait ne pas durer. En Europe, cette emprise sur la sécurité énergétique est de moins en moins tolérée. Le démêlé judiciaire autour de Nord Stream 2 illustre bien cette prise de conscience.

En effet, le gazoduc est à l’arrêt depuis sa mise en place pour non-respect des règles européennes de mise en concurrence. Par ailleurs, le nouveau gouvernement Allemand pourrait reconsidérer son démarrage malgré le doublement des exportations promis.

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À gauche, Yuriy Vitrenko, PDG de Naftogaz, à droite, Alexeï Miller, PDG de Gazprom. (source : Gazprom)

Casser le monopole au profit de Rosneft, aussi société d’État

Côté russe, le gouvernement pourrait aussi consentir à un allégement du monopole de Gazprom au profit du pétrolier Rosneft. Officiellement, les parties prenantes affirment vouloir s’accorder avec les règles européennes sur la concurrence. Cependant, cette libéralisation est à mesurer.

Rosneft étant contrôlé par l’État, avec à sa tête Igor Setchine, le vice Premier ministre de la fédération russe. Ce faisant, deux entreprises sous influence de l’État garderait le contrôle des exportations.

Que peut faire l’Europe à court terme?

La Commission européenne a déclaré prendre formellement note de la requête de Naftogaz mais ne s’est pas encore prononcée. Et pour cause, à court terme, l’Europe n’est pas en position de force pour se lancer dans un combat frontal.

Les stocks de gaz restent anormalement bas pour la saison et les prix de l’énergie font craindre une crise économique. Par ailleurs, les tensions sur les marchés de l’énergie offre peu d’alternatives.

Que faire du conflit armé russo-ukrainien?

La question du conflit en Ukraine est aussi au centre de la problématique Gazprom. Car si la Russie se défend de toute manipulation à but politique, la synchronicité avec la situation dans le Donbass interpelle. Par le passé, Moscou n’a pas hésité à utiliser le gaz pour peser dans les négociations.

Et pour nombre de chancelleries en Europe, la corrélation ne fait aucun doute. Ainsi, une guerre du gaz ne jouerait pas en faveur d’une résolution du conflit, qui par ailleurs influence significativement les cours.

Multiplier les projets d’énergies nouvelles

Néanmoins, à moyen terme l’Europe n’est pas en reste pour assurer son autonomie. Les projets hydrogènes se multiplient, la France veut renouveler son parc nucléaire et l’Union a rehaussé ses engagements vers plus d’énergies bas-carbone.

Pour nombre d’experts, cette effervescence autour du gaz n’est qu’une étape dans le processus de transition vers les énergies renouvelables. Si la Russie et Gazprom tirent profit de ce monopole, la diversification énergétique Européenne pourrait tourner en défaveur de la Russie.

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