La participation de Rosatom au projet de fabrication de combustibles nucléaires à Lingen, en Basse-Saxe, relance les tensions autour de la dépendance énergétique européenne vis-à-vis de la Russie. Le site, opéré par Advanced Nuclear Fuels (ANF), filiale du groupe français Framatome, a officiellement déposé une demande en mars 2022 pour produire des combustibles destinés aux réacteurs de conception russe, principalement utilisés en Europe centrale et orientale.
Ce partenariat soulève des préoccupations politiques croissantes, notamment parmi les membres du parti écologiste allemand. Ces derniers appellent le gouvernement fédéral à bloquer le projet au nom de la sécurité nationale et de la cohérence stratégique, dans un contexte de rupture énergétique avec la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine.
Un projet industriel controversé en pleine recomposition énergétique
L’autorisation finale de production doit être délivrée par l’État régional de Basse-Saxe, mais un avis défavorable du gouvernement fédéral rendrait le projet juridiquement impossible. L’arrêt des derniers réacteurs allemands en 2023 a renforcé les appels à sortir définitivement du nucléaire, une ligne défendue par les Verts au sein de la coalition gouvernementale.
La députée Juliane Dickel, intervenant lors d’un point presse en ligne, a déclaré que l’implication de Rosatom risquait d’alimenter indirectement les ressources russes, tout en ralentissant la sortie effective du nucléaire. De son côté, le député Konstantin von Notz a dénoncé les risques d’une « guerre hybride » menée par Moscou, qu’il considère comme incompatible avec tout rapprochement industriel dans le secteur stratégique de l’énergie.
Le rôle du label « Made in Germany » dans les circuits d’approvisionnement
Selon les responsables écologistes, le projet pourrait permettre à Rosatom de maintenir une présence commerciale masquée dans l’Union européenne, en contournant les mécanismes de restriction grâce à la certification allemande. Une telle configuration serait susceptible de brouiller les lignes de transparence sur les origines réelles de l’uranium enrichi utilisé dans plusieurs États membres.
Plusieurs pays d’Europe de l’Est, dont la République tchèque, la Slovaquie, la Bulgarie et la Finlande, ont engagé des démarches pour réduire leur dépendance à Rosatom. Toutefois, en l’absence de fournisseurs alternatifs capables de livrer des combustibles compatibles avec les réacteurs de conception russe, la marge de manœuvre reste limitée. L’Union européenne n’a pas, à ce jour, appliqué de sanctions au secteur nucléaire civil russe.