Aux Pays-Bas, la rapide électrification des usages et l’expansion du parc photovoltaïque exercent une pression sans précédent sur le réseau électrique national. Entre 2018 et 2023, la capacité solaire a été multipliée par cinq, principalement grâce aux installations sur les toits, portées par une politique de comptage net incitative. Toutefois, cette croissance de l’offre électrique s’est heurtée à une stagnation des capacités du réseau, provoquant une congestion majeure.
Un réseau saturé face à la demande croissante
La congestion du réseau survient lorsque la capacité de transport d’électricité est insuffisante pour acheminer toute la production disponible vers les zones de consommation. En début d’année 2025, près de 10 000 grands utilisateurs — entreprises, installations de stockage — et 7 500 projets de production attendaient d’être raccordés. Cette situation entraîne des retards dans la mise en œuvre de projets industriels et résidentiels, pénalisant le développement économique.
Le coût de la gestion de cette congestion s’est accru de manière significative. En 2022, le gestionnaire de réseau TenneT a déboursé 388 mn € pour ces opérations, contre 60 mn € en 2020. En Allemagne, les coûts de gestion du même type ont dépassé les 4 bn € en 2022, triplant par rapport à 2020. Ces dépenses sont en majorité répercutées sur les consommateurs à travers les tarifs de réseau.
Réponse institutionnelle et modernisation ciblée
En réaction, le gouvernement néerlandais a lancé en décembre 2022 un Programme national d’action contre la congestion du réseau. Ce plan, soutenu par les opérateurs de réseau, les provinces, le régulateur et les représentants industriels, repose sur trois axes : accélération des extensions de réseau, optimisation par des solutions intelligentes et amélioration de la transparence des données de capacité.
L’Agence néerlandaise de réglementation des marchés (ACM) a introduit de nouvelles tarifications et des contrats non fermes pour inciter à la flexibilité et modérer les pics de consommation. En parallèle, des technologies d’amélioration du réseau, comme le remplacement des conducteurs ou l’augmentation de la tension, sont déployées pour accroître la capacité sans recourir immédiatement à de nouvelles lignes.
Approches comparées et initiatives internationales
Des mesures similaires apparaissent ailleurs. En Irlande, ESB Networks modernise le réseau moyenne tension, quadruplant sa capacité. En Belgique, Elia déploie des systèmes dynamiques de notation des lignes pour ajuster en temps réel les flux électriques. En Lituanie, la loi permet depuis 2022 la création de centrales hybrides, associant solaire, éolien et stockage.
Des cartes de capacité sont également développées pour visualiser les points de congestion et guider les investissements. L’objectif est d’orienter la localisation des projets — bornes de recharge, production décentralisée — vers les zones moins saturées du réseau. Ces outils permettent aussi de renforcer la transparence et la coordination entre les acteurs.
La flexibilité des ressources décentralisées, comme les batteries domestiques ou les véhicules électriques, constitue un levier supplémentaire. Pour cela, des signaux tarifaires adaptés à la situation locale sont nécessaires, afin d’encourager un comportement cohérent avec l’état du réseau. Le développement des marchés locaux de flexibilité pourrait jouer un rôle central dans cette dynamique.