articles populaires

L’EPR de Flamanville : Chronique d’un Parcours Chaotique et Enjeux du Renouveau Nucléaire

L’EPR de Flamanville symbolise les défis du nucléaire français : retards, surcoûts et perte de compétences. Alors que l’avenir se tourne vers les EPR2, la relance de cette filière stratégique reste semée d’incertitudes.

Partagez:

Le réacteur EPR (European Pressurized Reactor) de Flamanville, récemment raccordé au réseau électrique, est l’aboutissement d’un chantier de 17 ans marqué par des déboires techniques et financiers. Cette réalisation, bien qu’attendue, met en lumière les difficultés structurelles de la filière nucléaire française, tout en ouvrant la voie à un ambitieux programme de relance.

Un chantier éprouvant : dates et faits marquants

Lancé en 2007 sur le site de Flamanville, dans la Manche, l’EPR devait initialement être achevé en 2012 pour un coût estimé à 3,3 milliards d’euros. Cependant, des anomalies techniques et organisationnelles ont continuellement repoussé l’échéance.

En 2015, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a détecté des défauts sérieux dans la cuve du réacteur, notamment une composition anormale de l’acier. À cela se sont ajoutés des problèmes de soudures sur le circuit primaire et des fissures dans le béton de l’enceinte. Ces retards ont quadruplé la facture, atteignant aujourd’hui 13,2 milliards d’euros selon EDF, et jusqu’à 19 milliards d’euros selon une évaluation de la Cour des comptes.

Ces difficultés ne sont pas uniques à la France. En Finlande, l’EPR d’Olkiluoto a accusé un retard de 12 ans avant sa mise en service en 2023. En Chine, les deux EPR de Taishan ont rencontré des incidents techniques malgré leur démarrage en 2018 et 2019, notamment une corrosion précoce signalée dès 2023.

Les leçons d’un projet en souffrance

La construction de l’EPR de Flamanville a mis en lumière des faiblesses structurelles dans la filière nucléaire française. L’une des principales causes identifiées est la perte de compétences due à une pause prolongée dans la construction de nouveaux réacteurs. Depuis Civaux 2, mis en service il y a 25 ans, aucun réacteur n’avait été construit en France, créant un vide générationnel chez les ingénieurs et techniciens.

La Cour des comptes a également pointé un manque de coordination entre les acteurs du projet, notamment EDF et les autorités de tutelle. Le suivi insuffisant du chantier, combiné à des estimations initiales irréalistes, a conduit à une succession d’erreurs coûteuses.

Pour tenter de remédier à ces problématiques, EDF travaille sur une nouvelle génération de réacteurs, les EPR2. Ces réacteurs seront conçus de manière numérique, avec une préfabrication en usine pour réduire les marges d’erreur et les délais de construction.

Un programme ambitieux mais fragile

En février 2022, le président Emmanuel Macron a annoncé la relance du nucléaire civil avec un plan de construction de six EPR2, accompagnés d’une option pour huit réacteurs supplémentaires. Ce programme, le premier depuis des décennies, s’inscrit dans une double stratégie : réduire les émissions de gaz à effet de serre et renforcer l’indépendance énergétique face à la Russie, principal exportateur mondial de centrales.

Cependant, les défis financiers sont colossaux. Le coût initial des six réacteurs EPR2 a déjà été réévalué à 67,4 milliards d’euros, soit une augmentation de 30 %. EDF, lourdement endetté, devra également trouver des solutions pour mobiliser les compétences nécessaires, tout en évitant de répéter les erreurs du passé.

Les débats publics : un enjeu démocratique

Le nucléaire reste un sujet clivant en France. Les débats publics organisés autour des futurs réacteurs de Penly et Gravelines ont révélé de profondes inquiétudes concernant les risques environnementaux, la gestion des déchets radioactifs et les impacts économiques.

Luc Marin, président du débat sur Gravelines, a résumé les attentes des citoyens en citant « les inquiétudes sur le risque nucléaire, la radioactivité, les déchets, et plus largement l’environnement. » Ces discussions permettent de renforcer la transparence autour des projets nucléaires, mais elles rallongent également les délais.

Une perspective internationale

La relance du nucléaire français dépasse les frontières nationales. EDF discute actuellement avec plusieurs pays, dont les Pays-Bas, la Pologne et la Finlande, pour la construction de nouveaux réacteurs. Toutefois, la concurrence est rude. En République tchèque, EDF a perdu un contrat au profit du coréen Kepco, une déconvenue qui souligne les enjeux de compétitivité pour la filière française.

Vers une nouvelle ère avec les SMR

En complément des EPR2, la France mise également sur les petits réacteurs modulaires (Small Modular Reactors, SMR). Ces unités, plus petites et moins coûteuses, pourraient répondre à des besoins spécifiques, comme l’électrification de sites industriels. EDF a revu cet été le design de son projet Nuward, qui reste cependant au stade de prototype.

Inscrivez-vous gratuitement pour un accès sans interruption.

Publicite

Récemment publiés dans

La relance du nucléaire en France génère un besoin constant de 10 000 recrutements, reflétant l’attractivité croissante du secteur. Focus sur les défis d’une industrie en pleine mutation et ses stratégies d’inclusion.
Face à la perte de contrôle de sa filiale Somaïr et des tensions croissantes avec le Niger, Orano initie une seconde procédure d’arbitrage pour défendre ses intérêts dans un marché stratégique.
Face à la perte de contrôle de sa filiale Somaïr et des tensions croissantes avec le Niger, Orano initie une seconde procédure d’arbitrage pour défendre ses intérêts dans un marché stratégique.
American Electric Power poursuit l’obtention de financements pour explorer l’installation de petits réacteurs modulaires dans l’Indiana et en Virginie. Une initiative aux enjeux économiques et politiques majeurs.
American Electric Power poursuit l’obtention de financements pour explorer l’installation de petits réacteurs modulaires dans l’Indiana et en Virginie. Une initiative aux enjeux économiques et politiques majeurs.
Le groupe français Orano (ex-Areva) a signé un accord crucial en Mongolie pour l’exploitation d’un vaste gisement d’uranium. Cette initiative implique un investissement majeur et suscite l’intérêt des observateurs, tant pour la sécurité d’approvisionnement que pour les implications industrielles.
Le groupe français Orano (ex-Areva) a signé un accord crucial en Mongolie pour l’exploitation d’un vaste gisement d’uranium. Cette initiative implique un investissement majeur et suscite l’intérêt des observateurs, tant pour la sécurité d’approvisionnement que pour les implications industrielles.
Le groupe Vinci propose d’impliquer le secteur privé dans la construction des réacteurs EPR et la modernisation des réseaux. Cette initiative reposerait sur un financement mixte, jugé indispensable face à l’ampleur des besoins énergétiques.
L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, récemment créée, assure ne pas vouloir restreindre l’accès aux informations relatives à la sécurité atomique. Son président, Pierre-Marie Abadie, a présenté les mesures prévues pour maintenir la publication des expertises et protéger l’indépendance.
L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, récemment créée, assure ne pas vouloir restreindre l’accès aux informations relatives à la sécurité atomique. Son président, Pierre-Marie Abadie, a présenté les mesures prévues pour maintenir la publication des expertises et protéger l’indépendance.
En 2025, l'énergie nucléaire atteindra un niveau de production inédit, poussée par la Chine et les besoins croissants en électricité mondiale. Les anciens leaders, comme les États-Unis et l'Europe, voient leur influence diminuer face à ces mutations.
En 2025, l'énergie nucléaire atteindra un niveau de production inédit, poussée par la Chine et les besoins croissants en électricité mondiale. Les anciens leaders, comme les États-Unis et l'Europe, voient leur influence diminuer face à ces mutations.
Fermi Energia a soumis une demande au ministère des Affaires économiques d'Estonie pour débuter le processus de planification spatiale d'une centrale nucléaire de 600 MW, marquant une étape clé dans la transition énergétique du pays.
Fermi Energia a soumis une demande au ministère des Affaires économiques d'Estonie pour débuter le processus de planification spatiale d'une centrale nucléaire de 600 MW, marquant une étape clé dans la transition énergétique du pays.
Le Vietnam relance son projet de centrales nucléaires avec l'appui de la Russie, consolidant une alliance stratégique pour répondre à la forte demande énergétique.
Le réacteur nucléaire modulaire KRONOS MMR™, développé par NANO Nuclear, obtient des avancées réglementaires et vise des applications industrielles clés, incluant l'hydrogène et l'intelligence artificielle.
Le réacteur nucléaire modulaire KRONOS MMR™, développé par NANO Nuclear, obtient des avancées réglementaires et vise des applications industrielles clés, incluant l'hydrogène et l'intelligence artificielle.
Le gouvernement britannique réfute les affirmations du Financial Times sur un doublement des coûts de la centrale nucléaire Sizewell C, un projet mené par EDF dans l’est du pays.
Le gouvernement britannique réfute les affirmations du Financial Times sur un doublement des coûts de la centrale nucléaire Sizewell C, un projet mené par EDF dans l’est du pays.
Suite à la résiliation de son accord avec Anfield Energy, IsoEnergy réoriente ses efforts vers l’optimisation de ses actifs dans le secteur de l’uranium, notamment en Amérique du Nord et en Australie, dans un contexte de marché en mutation.
Suite à la résiliation de son accord avec Anfield Energy, IsoEnergy réoriente ses efforts vers l’optimisation de ses actifs dans le secteur de l’uranium, notamment en Amérique du Nord et en Australie, dans un contexte de marché en mutation.
La Cour des comptes souligne de graves incertitudes autour du programme EPR2, mettant en lumière des risques financiers et techniques persistants. Un rapport critique appelle à lever ces obstacles avant d'engager de nouveaux investissements.
Doosan Enerbility et le Centre international pour la non-prolifération nucléaire s'unissent pour stimuler les exportations et développer les réacteurs modulaires, répondant ainsi à la demande énergétique croissante.
Doosan Enerbility et le Centre international pour la non-prolifération nucléaire s'unissent pour stimuler les exportations et développer les réacteurs modulaires, répondant ainsi à la demande énergétique croissante.
Le nouveau plan énergétique tchèque projette une hausse à 68 % de l’électricité d’origine nucléaire d’ici 2040, avec une montée en puissance des renouvelables pour répondre aux objectifs climatiques de l’Union européenne.
Le nouveau plan énergétique tchèque projette une hausse à 68 % de l’électricité d’origine nucléaire d’ici 2040, avec une montée en puissance des renouvelables pour répondre aux objectifs climatiques de l’Union européenne.
Les États-Unis annoncent la levée de 200 restrictions sur les entités nucléaires indiennes, marquant une étape clé dans leur coopération stratégique et ouvrant des opportunités pour le secteur énergétique civil.
Les États-Unis annoncent la levée de 200 restrictions sur les entités nucléaires indiennes, marquant une étape clé dans leur coopération stratégique et ouvrant des opportunités pour le secteur énergétique civil.
EDF intensifie ses efforts avec le SMR Nuward, un réacteur de 400 MW conçu pour répondre aux besoins énergétiques stratégiques des industries et services publics en Europe.
Novatron Fusion Group et Oxford Sigma s'associent pour accélérer le développement de centrales à fusion en Suède, combinant technologies innovantes et matériaux avancés pour des solutions industrielles fiables.
Novatron Fusion Group et Oxford Sigma s'associent pour accélérer le développement de centrales à fusion en Suède, combinant technologies innovantes et matériaux avancés pour des solutions industrielles fiables.
Halden Kjernekraft étudie la construction d’une centrale nucléaire de 1200 MWe basée sur des réacteurs modulaires de petite taille (SMR). Ce projet pourrait transformer le paysage énergétique norvégien.
Halden Kjernekraft étudie la construction d’une centrale nucléaire de 1200 MWe basée sur des réacteurs modulaires de petite taille (SMR). Ce projet pourrait transformer le paysage énergétique norvégien.
Les nouvelles règles fiscales américaines permettent à certaines centrales nucléaires de bénéficier de crédits d’impôt pour la production d’hydrogène, ciblant 200 MW par réacteur en risque de fermeture et dynamisant les projets régionaux.
Les nouvelles règles fiscales américaines permettent à certaines centrales nucléaires de bénéficier de crédits d’impôt pour la production d’hydrogène, ciblant 200 MW par réacteur en risque de fermeture et dynamisant les projets régionaux.
La centrale nucléaire de Koeberg, opérée par Eskom en Afrique du Sud, reprend son activité avec l’unité 2, ajoutant 930 MW au réseau national après un programme de maintenance stratégique et prolongé.
L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) restructure le secteur nucléaire français en intégrant 2 000 collaborateurs. Cette réforme, au cœur des enjeux politiques et économiques, soulève des interrogations sur la gouvernance et la transparence.
L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) restructure le secteur nucléaire français en intégrant 2 000 collaborateurs. Cette réforme, au cœur des enjeux politiques et économiques, soulève des interrogations sur la gouvernance et la transparence.
Les exportations d’électricité de la France ont atteint un niveau inédit en 2024, soutenues par une production nucléaire restaurée et des performances renforcées des énergies renouvelables.
Les exportations d’électricité de la France ont atteint un niveau inédit en 2024, soutenues par une production nucléaire restaurée et des performances renforcées des énergies renouvelables.
Le regroupement de l’IRSN et de l’ASN dans la nouvelle ASNR soulève des préoccupations sur l’indépendance de l’expertise et une impasse budgétaire dès février 2025, selon les syndicats.
Le regroupement de l’IRSN et de l’ASN dans la nouvelle ASNR soulève des préoccupations sur l’indépendance de l’expertise et une impasse budgétaire dès février 2025, selon les syndicats.

Publicite