La faisabilité du stockage d’hydrogène dans des cavités salines vient d’être démontrée par le projet Hypster (Hydrogen Pilot Storage for Large Ecosystem Replication), porté par le groupe énergétique français Engie via sa filiale Storengy. Ce procédé, éprouvé durant quatre mois de tests intensifs impliquant 3 tonnes d’hydrogène et 100 cycles d’injection-soutirage, confirme la viabilité industrielle d’une technologie jusqu’ici expérimentale. Ces cavités, traditionnellement destinées au stockage saisonnier de gaz naturel, pourraient à présent répondre aux besoins ponctuels du marché en permettant une gestion flexible et rapide des volumes d’hydrogène injectés et extraits. Engie souhaite capitaliser sur ces résultats pour accompagner une croissance significative du marché de l’hydrogène attendue d’ici à 2035.
Stockage stratégique et nouvelles contraintes techniques
La cavité saline offre une étanchéité et une réactivité optimales par rapport aux méthodes concurrentes comme le stockage en réservoir poreux, dont le principal inconvénient est la difficulté à assurer l’étanchéité constante de l’hydrogène. Ce gaz étant particulièrement volatil, sa gestion exige des infrastructures très étanches et une surveillance constante des éventuelles fuites. Le projet mené à Etrez, premier centre français de stockage en cavité saline, a ainsi permis de mesurer précisément la réaction chimique du sel en contact avec l’hydrogène et de valider les performances techniques nécessaires pour une exploitation commerciale future. Storengy adapte également ses installations existantes, notamment les compresseurs, afin qu’elles soient compatibles avec les propriétés spécifiques de l’hydrogène, plus léger et plus réactif que le gaz naturel.
Un marché en pleine structuration
Cependant, la technologie saline n’est pas la seule à prétendre répondre aux défis industriels de l’hydrogène. D’autres approches technologiques concurrentes sont également en développement, notamment les solutions de stockage dans des réservoirs métalliques sous haute pression ou encore sous forme liquide à basse température. Ces techniques présentent leurs propres avantages, comme la mobilité accrue et l’installation possible à proximité directe des sites de consommation, mais elles imposent également des coûts élevés et une consommation énergétique importante pour maintenir les conditions nécessaires (hautes pressions ou très basses températures). Le stockage sous forme d’ammoniac ou de méthanol, permettant une intégration facilitée dans les infrastructures existantes, constitue également une alternative sérieuse étudiée par plusieurs groupes industriels.
Un levier industriel pour la flexibilité énergétique
Le stockage souterrain en cavités salines présente néanmoins l’avantage d’une capacité d’adaptation aux pics de consommation, à la fois journaliers et saisonniers. Cette flexibilité pourrait devenir essentielle dans un contexte où les énergies renouvelables intermittentes, telles que le solaire et l’éolien, prendront une place croissante dans le mix énergétique européen. L’hydrogène stocké pourrait ainsi servir non seulement aux besoins industriels directs, comme la sidérurgie, les raffineries et la mobilité lourde, mais aussi de solution tampon pour stabiliser les réseaux électriques et compenser l’intermittence des sources d’énergie renouvelable. La mise en place d’infrastructures de stockage efficaces est donc perçue par les experts du secteur comme un enjeu économique majeur à court terme.
Un cadre réglementaire en attente de clarification
Pour permettre un développement massif de cette technologie, une clarification réglementaire s’impose au niveau européen. La Commission européenne, qui considère les infrastructures hydrogène comme stratégiques, envisage une réglementation spécifique au stockage souterrain d’ici à 2033. Des discussions sont déjà en cours avec les industriels afin d’identifier clairement les contraintes techniques et sécuritaires à intégrer dans cette future réglementation. Engie fait partie des acteurs qui plaident activement pour une définition rapide et claire du cadre législatif, facteur essentiel pour attirer les investisseurs et assurer le déploiement industriel à grande échelle de ces technologies.
L’ensemble du secteur énergétique attend désormais que ces démonstrations de faisabilité se transforment en véritables débouchés économiques, conditionnés par une nécessaire baisse des coûts de production et de stockage de l’hydrogène renouvelable.