Le géant nigérian de la raffinerie, Dangote, a récemment alerté sur l’impact des importations de carburant de qualité inférieure sur le développement de sa production domestique. Bien que le Nigeria ait introduit de nouvelles normes de qualité de carburant en octobre dernier, les infrastructures limitées de contrôle compromettent leur application. Dans un communiqué, Dangote affirme que des importations de carburant à moindre coût mais de qualité inférieure sous-cotent son essence domestique, entravant ainsi ses ventes.
Le Nigeria a récemment abaissé le niveau de soufre maximal autorisé dans les carburants à 50 parties par million (ppm), contre 150 ppm auparavant, dans un effort pour améliorer la qualité de l’air et réduire les risques sanitaires associés à la pollution. La réduction progressive de la limite de soufre s’inscrit dans le cadre d’une initiative de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour harmoniser les normes régionales de carburant. Cependant, la mise en application de cette nouvelle norme est entravée par le manque de laboratoires d’analyse au Nigeria, selon Aliko Dangote, PDG de la raffinerie.
Des importations de carburant de qualité douteuse
En raison de la faible capacité de contrôle, des importations de carburants à haute teneur en soufre continuent d’affluer, créant une concurrence pour la raffinerie de Dangote qui produit du carburant conforme aux nouvelles normes. Aliko Dangote a précisé lors d’une réunion à Abuja le 29 octobre que le carburant produit localement par sa raffinerie respecte le seuil des 50 ppm, certains lots atteignant même un niveau de 10 ppm, mais que des produits importés ne respectant pas cette norme affaiblissent la demande pour son essence.
Le groupe Dangote, qui a récemment démarré sa production d’essence en septembre dans sa raffinerie de 650 000 barils par jour, rencontre des difficultés pour écouler ses stocks. L’entreprise a dû stocker environ 500 millions de litres d’essence, faute de demande locale suffisante, a précisé Dangote dans son communiqué.
De nouveaux centres de mélange et des pratiques commerciales douteuses
Des sources internes à la raffinerie rapportent également que de nouvelles routes commerciales et des centres de mélange de carburant de qualité inférieure ont émergé dans des hubs comme Malte et Lomé. Ces centres permettent aux traders internationaux de produire des mélanges moins coûteux, ce qui compromet encore davantage la compétitivité du carburant produit au Nigeria. Dangote a également révélé qu’un trader a récemment loué un dépôt proche de la raffinerie pour y mélanger des produits de moindre qualité, afin de réduire les coûts.
Les acteurs européens ont quant à eux adopté une politique stricte en réduisant eux-mêmes la teneur en soufre de leurs exportations à destination de l’Afrique de l’Ouest. Les ports du hub d’Amsterdam-Rotterdam-Anvers ont mis en place une limite stricte de 50 ppm pour lutter contre l’exportation de carburants nocifs. Toutefois, Dangote signale que cela n’empêche pas le développement de nouvelles routes commerciales vers des points de mélange moins strictement régulés.
Vers une politique protectionniste pour le secteur pétrolier nigérian ?
Dangote plaide pour une politique protectionniste pour favoriser les entreprises locales dans le secteur pétrolier. Selon le groupe, le gouvernement nigérian devrait envisager des mesures similaires aux tarifs d’importation appliqués aux États-Unis et en Europe sur certains produits pour protéger les industries nationales et renforcer l’indépendance énergétique du pays. La raffinerie de Dangote, inaugurée en janvier 2024 avec un investissement de 20 milliards de dollars, représente une tentative ambitieuse pour réduire la dépendance du Nigeria aux importations de carburants.
Un cadre de tarification incertain avec la NNPC
Un autre défi auquel fait face la raffinerie est la question de la tarification du pétrole brut. Depuis octobre, Dangote et la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), l’entreprise pétrolière publique nigériane et actionnaire à hauteur de 7,2 % de la raffinerie, ont convenu de négocier en Naira pour l’achat de brut et la vente de produits finis, en vue de limiter les risques liés aux fluctuations de devises. Cependant, l’absence d’une formule de tarification convenue rend difficile la fixation des prix de vente des produits de Dangote.
En l’absence d’accord sur le taux de change à appliquer, les six cargaisons de brut livrées par la NNPC à la raffinerie en octobre n’ont toujours pas été facturées, selon une source de l’entreprise. Dangote indique pourtant que son essence est proposée à 990 Naira le litre, un prix aligné avec le marché international et les offres de la NNPC aux détaillants locaux.
Le groupe Dangote souhaite ainsi attirer l’attention des autorités et des acteurs du secteur sur l’importance d’une réglementation plus stricte et de soutiens politiques pour le développement de son initiative de raffinage, une pierre angulaire de l’autosuffisance énergétique du Nigeria.