Le marché mondial du gaz naturel liquéfié (GNL) se prépare à des mois difficiles, même si les stocks de gaz en Europe sont actuellement élevés. Au 28 août, les réserves européennes atteignent 91,98 % de leur capacité, bien en avance sur l’objectif de 90 % fixé par l’Union européenne pour novembre 2024. Cette position solide pourrait offrir un certain amortissement contre des chocs d’approvisionnement, mais le marché reste vulnérable. La situation est amplifiée par les incertitudes concernant les flux de gaz russes via l’Ukraine, toujours à environ 42 millions de mètres cubes par jour. L’échéance de l’accord de transit de gaz entre la Russie et l’Ukraine, prévue pour janvier 2025, inquiète les acteurs du marché.
Une interruption des flux russes à travers l’Ukraine avant la fin de l’accord pourrait forcer l’Europe à accroître ses importations de GNL pour compenser, créant ainsi une pression accrue sur un marché déjà tendu. La demande d’Asie et d’Amérique latine, combinée à ces possibles perturbations, pourrait provoquer des déséquilibres notables. Actuellement, le différentiel de prix entre le Japan-Korea Marker (JKM) et le Northwest European marker (NWE) pour janvier 2025 est le plus important sur la courbe des futures, montrant que les acheteurs asiatiques se préparent à une concurrence accrue pour les cargaisons disponibles.
Les stratégies de couverture et les mouvements des fonds spéculatifs
Les fonds spéculatifs continuent de jouer un rôle majeur dans les marchés européens du gaz et du GNL. Selon les données récentes de l’Intercontinental Exchange, ces fonds occupent environ 22 % des positions totales de futures sur le gaz naturel en Europe. Cette présence significative reflète la prudence des acteurs face aux incertitudes du marché, notamment les retards dans le développement de nouvelles capacités de liquéfaction de GNL, qui pourraient resserrer davantage l’offre mondiale en 2024 et début 2025. En réponse, certains acteurs de marché envisagent d’avancer les livraisons de cargaisons pour ces périodes afin de sécuriser des approvisionnements à des prix plus stables.
Les discussions pour ces livraisons anticipées montrent que les acheteurs cherchent à éviter les fluctuations de prix spot hivernales, qui pourraient être exacerbées par des interruptions d’approvisionnement imprévues. Les producteurs, de leur côté, favorisent la signature de contrats à terme indexés sur le Brent, offrant une visibilité sur les revenus dans un environnement volatil.
Les incertitudes sur les infrastructures et la géopolitique
Au-delà des tensions entre la Russie et l’Ukraine, d’autres défis persistent concernant les infrastructures d’approvisionnement. L’Algérie, qui représente une part significative des exportations de gaz vers l’Europe, connaît des périodes de fluctuation dans ses flux de gaz, suscitant des préoccupations sur sa fiabilité comme fournisseur. En Norvège, les travaux de maintenance prévus sur plusieurs champs gaziers en fin d’année pourraient réduire temporairement les volumes disponibles. De même, le report de la maintenance du pipeline Gela, reliant la Libye à l’Italie, de septembre à octobre, laisse entendre que les conditions d’approvisionnement pourraient être plus serrées que prévu.
Les acteurs du marché surveillent également les récents événements géopolitiques. Les attaques de la Russie contre des infrastructures énergétiques ukrainiennes, incluant des stations de compression de gaz, ont fait monter les prix en Europe cette semaine. Même si ces attaques n’ont pas encore impacté directement les flux de gaz vers l’Europe, elles soulignent la vulnérabilité des infrastructures et le risque permanent d’une escalade de perturbations.
Perspectives de demande et volatilité des prix cet hiver
Les prévisions météorologiques pour l’hiver et les opérations de maintenance sur les infrastructures européennes de gaz ajoutent des incertitudes supplémentaires. Après deux hivers doux, un hiver rigoureux pourrait fortement augmenter la demande de gaz, rendant les marchés encore plus sensibles aux chocs. Les analystes de marché soulignent que les prix européens ont déjà montré leur volatilité cette année en réponse à des facteurs géopolitiques et techniques. Une attention particulière est portée aux maintenances prévues sur les champs gaziers norvégiens, car toute prolongation ou complication pourrait restreindre davantage l’offre, notamment en début de saison froide.
Les mouvements sur les marchés asiatiques reflètent cette anticipation d’incertitude. Les acheteurs en Corée du Sud, par exemple, négocient déjà des cargaisons avancées pour l’hiver et début 2025. Même si les acheteurs indiens ne sont pas encore aussi actifs, ils pourraient adopter une stratégie similaire si les écarts entre les prix des contrats à terme et les prix spot demeurent significatifs. Les discussions autour de l’avancement des livraisons suggèrent que la prudence est de mise face aux prévisions de demande et aux risques de volatilité des prix.