Le marché mondial du carburant aviation connaît une phase d’expansion soutenue. Selon les données de SkyQuest Technology Consulting, il était évalué à 351,11 milliards USD en 2024 et pourrait atteindre 751,01 milliards USD en 2032. Cette progression est liée à un taux de croissance annuel moyen de 10,11 % sur la période 2025-2032. L’augmentation continue du transport aérien commercial, combinée à l’essor des échanges internationaux de biens et de passagers, stimule fortement la demande en carburant aviation.
Les compagnies aériennes doivent ajuster leurs approvisionnements face à cette tendance. La croissance des flux de voyageurs et de fret impose une consommation accrue, ce qui place le carburant aviation au cœur de l’équilibre financier du secteur. Les acteurs industriels misent sur la diversification des sources de production, en intégrant progressivement des carburants alternatifs pour répondre à des impératifs réglementaires et économiques. Ces évolutions se traduisent par une recomposition des dynamiques concurrentielles et par une montée en puissance de nouveaux partenariats.
Les moteurs de la croissance mondiale
Plusieurs facteurs expliquent cette trajectoire ascendante. D’abord, l’augmentation des voyages internationaux contribue directement à l’accroissement de la consommation de carburant. Le développement des classes moyennes dans les économies émergentes, notamment en Asie, entraîne une demande soutenue de vols commerciaux. En parallèle, les échanges de fret aérien progressent sous l’effet du commerce électronique et des chaînes logistiques globalisées. Ces éléments combinés génèrent une consommation structurellement élevée.
L’innovation technologique dans le design et l’ingénierie aéronautique participe également à cette dynamique. Les constructeurs travaillent à l’amélioration du rendement énergétique des aéronefs, ce qui favorise une utilisation plus efficace du carburant. Toutefois, ces gains d’efficacité ne compensent pas entièrement la hausse de la demande. Le résultat net reste une croissance continue de la consommation. Les compagnies aériennes doivent donc sécuriser leurs approvisionnements et s’adapter à la volatilité des prix.
Le rôle des carburants alternatifs
Un autre facteur déterminant réside dans l’essor des carburants alternatifs, connus sous le nom de Sustainable Aviation Fuels (SAF). Ces carburants, issus de matières premières renouvelables, attirent un intérêt croissant de la part des compagnies aériennes et des gouvernements. Leur adoption répond à des impératifs réglementaires, mais elle reflète aussi la volonté des industriels de diversifier leurs sources d’approvisionnement pour réduire la dépendance aux hydrocarbures traditionnels.
Les contrats récents témoignent de cette évolution. TotalEnergies a signé avec Air France-KLM un accord portant sur la livraison de 1,5 million de tonnes de carburant durable sur dix ans. Boeing, de son côté, a annoncé l’acquisition de 7,5 millions de gallons d’un mélange comprenant 30 % de SAF pour ses programmes de démonstration. Airbus a renforcé ses liens avec TotalEnergies afin de sécuriser son approvisionnement et de développer de nouveaux carburants compatibles avec les avions actuels et futurs. Ces initiatives créent un nouveau segment de marché au sein de l’industrie mondiale du carburant aviation.
Pressions liées aux prix du Brent
La volatilité des prix du pétrole demeure un facteur structurant. Le carburant aviation étant dérivé du Brent, son prix est directement corrélé aux fluctuations du marché pétrolier. La réduction de la production de brut décidée par certains membres de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), notamment l’Arabie Saoudite, a contribué à maintenir un niveau élevé des cours. Cette situation alourdit la facture énergétique des compagnies aériennes.
Les répercussions varient selon les régions. Les zones à faible revenu, comme certaines parties de l’Afrique et de l’Asie-Pacifique, sont particulièrement sensibles à ces hausses. Les prix élevés se traduisent par une augmentation du coût des billets, limitant l’accessibilité du transport aérien pour une partie importante de la population. Le risque pour les compagnies est une contraction de la demande dans les marchés les plus sensibles au prix, ce qui pèse sur la rentabilité.
Segmentation du marché mondial
Le marché du carburant aviation se divise en plusieurs segments clés. Sur le plan technologique, les procédés incluent le raffinage conventionnel, l’hydrotraitement, le craquage catalytique, l’isomérisation et diverses méthodes de conversion comme l’alcool-vers-jet ou la biomasse-vers-liquide. Parmi ces filières, la voie HEFA-SPK (Hydroprocessed Esters and Fatty Acids – Synthetic Paraffinic Kerosene) domine grâce à sa compatibilité avec les moteurs existants et à son acceptation réglementaire étendue.
Par type d’appareil, les avions à voilure fixe représentent plus de 70 % de la consommation mondiale, en raison de leur rôle central dans le transport de passagers et de fret. Les hélicoptères militaires, les drones et les aéronefs spécialisés contribuent également, mais dans des proportions plus modestes. En termes de carburant, le Jet A/A-1 reste dominant avec environ 96 % de part de marché en 2024. Néanmoins, l’intégration progressive du SAF et l’intérêt croissant pour l’hydrogène et les carburants power-to-liquid laissent entrevoir une diversification progressive du mix énergétique.
Panorama concurrentiel
Les acteurs majeurs du secteur incluent ExxonMobil, Shell, Chevron, TotalEnergies et Reliance Petroleum, qui figurent parmi les cinq premières sociétés en termes de chiffre d’affaires. ExxonMobil devrait générer 339,9 milliards USD en 2024, suivi de Shell avec 302 milliards, TotalEnergies avec 210,2 milliards et Chevron avec 194,7 milliards. Ces entreprises assurent la production, le raffinage et la distribution de carburant aviation à l’échelle mondiale.
Outre ces leaders, des producteurs spécialisés comme Neste Corporation et World Energy se concentrent sur l’essor des carburants durables. Leur rôle devient central à mesure que les compagnies aériennes recherchent des solutions compatibles avec les exigences réglementaires. La concurrence s’articule donc entre les grands groupes pétroliers, qui dominent la production conventionnelle, et des acteurs émergents positionnés sur le segment du SAF.
Évolutions régionales
En Amérique du Nord, le marché est stimulé par un secteur aérien commercial robuste et par des incitations fiscales favorisant la production de biocarburants, notamment via l’Inflation Reduction Act aux États-Unis. Les compagnies bénéficient d’un cadre réglementaire propice à l’intégration de carburants alternatifs, tout en continuant de consommer massivement du carburant conventionnel.
En Asie-Pacifique, la croissance est la plus rapide. La hausse du revenu des classes moyennes et l’expansion des flottes aériennes alimentent une demande soutenue. La Chine et l’Inde investissent dans la recherche et le développement de carburants alternatifs, tandis que l’Asie du Sud-Est cherche à attirer des capitaux pour développer des infrastructures de production. Les pays de cette région se distinguent par leur volonté d’augmenter leur indépendance énergétique.
En Europe, la dynamique repose sur des réglementations strictes. Le Système d’échange de quotas d’émission (EU ETS) impose des coûts supplémentaires aux compagnies aériennes, incitant au recours accru aux carburants durables. Les partenariats entre fournisseurs et transporteurs européens favorisent la montée en puissance du SAF. Des expérimentations sur l’hydrogène et le power-to-liquid témoignent d’une diversification en cours.
Le Moyen-Orient conserve une position clé grâce à sa capacité de raffinage et à son rôle central sur les routes intercontinentales. En Amérique latine, de nouveaux corridors aériens et des investissements en infrastructures alimentent la demande. En Afrique, l’augmentation du trafic reste freinée par des contraintes économiques, mais la croissance démographique et la montée du commerce pourraient stimuler la consommation à long terme.