Le Japon s’apprête à promouvoir davantage l’énergie nucléaire dans le cadre de la révision de sa politique énergétique prévue l’année prochaine. L’objectif est de garantir un approvisionnement électrique stable face à la demande croissante et aux risques géopolitiques accrus. Cependant, les experts du secteur estiment que le pays aura du mal à atteindre ses objectifs.
Un virage stratégique vers le nucléaire
Après la catastrophe de Fukushima en 2011, le Japon avait considérablement réduit sa dépendance au nucléaire et augmenté l’utilisation des énergies fossiles pour générer 70% de son électricité, tout en visant des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2050. Mais face aux pics des prix du charbon et du gaz et aux perturbations d’approvisionnement en 2022 en raison de la guerre de la Russie en Ukraine, le gouvernement souhaite désormais garantir une plus grande utilisation de l’énergie nucléaire, ainsi que de l’énergie éolienne et solaire, pour assurer un approvisionnement énergétique stable. Les discussions sur la politique énergétique du Japon, qui est révisée tous les trois ans, ont débuté le mois dernier. Il s’agit de la première révision depuis que le Premier ministre Fumio Kishida a modifié la position du pays en faveur de l’énergie nucléaire en 2022. Selon Takeo Kikkawa, président de l’International University of Japan, la nouvelle politique pourrait inclure la construction de nouveaux réacteurs.
Des défis à surmonter
Répondre à la demande croissante d’électricité avec l’énergie nucléaire sera un défi, en raison des obstacles réglementaires, de l’opposition du public, des coûts élevés, des tremblements de terre graves et des longs délais de développement. Le pays risque de ne pas atteindre son objectif de 20 à 22% d’énergie nucléaire d’ici 2030, n’atteignant que 15% en raison de la résistance des résidents locaux et de la lenteur des approbations des régulateurs pour le redémarrage des réacteurs existants. Ajouter de nouvelles capacités nucléaires pourrait s’avérer difficile même d’ici 2050, étant donné que par le passé, il a fallu des décennies pour construire des centrales nucléaires. Selon Kikkawa et Alex Whitworth de WoodMac, l’énergie thermique devrait probablement combler le déficit d’approvisionnement, contrairement à l’objectif du gouvernement de réduire la production au charbon et au GNL à un total combiné de 39% d’ici 2030.
Vers une stratégie de décarbonation
Parallèlement à la révision de sa politique énergétique, le Japon prévoit de fixer un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2035 ou plus tard et de formuler une stratégie de décarbonation pour 2040 d’ici début 2024. Accélérer la croissance des énergies renouvelables et réduire la production d’énergie fossile contribueront à atteindre ces objectifs et à faire baisser les prix. Yukari Takamura, professeur à l’Institute for Future Initiatives de l’University of Tokyo et membre du panel sur la politique énergétique du gouvernement, estime que le Japon devrait établir une feuille de route sur la manière d’éliminer progressivement les centrales électriques au charbon non contrôlées. Promouvoir la production nationale d’énergie à partir d’énergies renouvelables est dans l’intérêt national et améliorerait la compétitivité des entreprises japonaises évaluées sur des facteurs de décarbonation.
Le Japon fait face à un défi de taille pour concilier ses besoins énergétiques croissants avec ses ambitions de décarbonation. Si le nucléaire apparaît comme une solution séduisante pour garantir la sécurité énergétique et réduire les émissions, sa mise en œuvre à grande échelle se heurte à de nombreux obstacles. Le pays devra trouver un équilibre entre différentes sources d’énergie et technologies pour réussir sa transition énergétique.