La renationalisation d’EDF est une aubaine pour l’entreprise endettée, difficile à restructurer. Toutefois, cette renationalisation ne semble pas être une solution à l’endettement du service public français ainsi qu’au vieillissement croissant de ses centrales nucléaires. De plus, elle ne permettra pas de protéger les consommateurs de l’inflation des prix de l’énergie.
Les justifications évoquées
Avant l’annonce de la Première ministre Elisabeth Borne de renationaliser EDF, l’État français participait déjà à hauteur de 84% dans l’entreprise. L’État se justifie de cette acquisition par la volonté de favoriser une transition verte du service public. De plus, cela permettrait de maîtriser davantage la crise énergétique actuelle.
Par ailleurs, les analystes précisent que cette renationalisation permettrait à l’État français de ne plus répondre à aucun autre actionnaire. D’autant plus, le service public possède environ 80% du marché français de l’électricité.
Des difficultés à gérer
Depuis 2005, la cotation d’EDF a bien chuté. Elle est passée de 33 $ par action en 2005 aux alentours de 9 € actuellement.
À savoir, Emmanuel Macron, qui a perdu sa majorité absolue au Parlement en juin dernier, a tenté l’année dernière en vain de restructurer l’entreprise. Les syndicats et la Commission européenne se sont opposés à la séparation des activités d’énergies renouvelables d’EDF de la dette des actifs nucléaires.
S’ajoutent à cela, des difficultés supplémentaires que l’État français doit gérer.
D’une part, les installations actuelles d’EDF font face à des problèmes de corrosion. En raison de ces problèmes, on compte environ 56 réacteurs nucléaires d’EDF en France qui sont actuellement hors service.
D’autre part, la construction des réacteurs de nouvelle génération en France et en Grande-Bretagne prend du retard. Au fil des années supplémentaires de travaux, la part du budget augmente de manière croissante de l’ordre des milliards d’euros. Il reste à savoir si les défauts de conception fondamentaux de ces nouveaux réacteurs doivent être corrigés.
De plus, la production nucléaire prévoit d’être réduite en 2022. Cette réduction prévue par l’entreprise s’inscrit dans le cadre de la recherche de sources d’énergie alternatives. Parallèlement, l’approvisionnement en gaz russe diminue.
Enfin, EDF soumis au système tarifaire réglementé (Arenth) a l’obligation de vendre 100 TWh de production nucléaire à ses concurrents et aux consommateurs à 42 €/MWh. Ce tarif est inférieur aux niveaux du marché. Ce mécanisme de régulation des prix a été un élément clé du précédent plan de restructuration (Projet Hercule). Ainsi, la holding financière, JPMorgan souhaite que la France fixe un prix garanti pour l’ensemble de la production nucléaire d’EDF.
L’État français, la solution pour EDF ?
La renationalisation d’EDF implique la dépense de 5 milliards d’euros de l’État français pour racheter les parts des investisseurs minoritaires aux prix actuels. Ce rachat représenterait une prime pour ces investisseurs.
Toutefois, la nationalisation complète d’EDF ne va probablement pas régler les difficultés de l’entreprise. Dans un premier temps, cela permettrait de réduire les coûts d’emprunt sur sa dette. Alors que l’agence de notation S&P précise que le montant de sa dette pourrait atteindre les 100 milliards d’euros cette année. Dans un deuxième temps, les besoins financiers du groupe sont susceptibles d’augmenter, notamment cet hiver.
En outre, Macron souhaite construire au moins six réacteurs nucléaires de nouvelle génération. Cependant, il n’a pas expliqué comment financer ce projet de 50 milliards d’euros.
De plus, le contrôle total d’EDF par l’État français rendra difficile tout plan de remaniement menant au démantèlement de l’entreprise. Les syndicats inquiets souhaitent le démantèlement de l’entreprise pour obtenir une restructuration plus acceptable, indépendamment du propriétaire.
Parallèlement, la Commission européenne ne manque pas de surveiller le dossier de près. Elle doit s’assurer que la modification des tarifs soutient les activités les plus rentables d’EDF et non de combler les déficits.
L’avenir d’EDF
En 2022, EDF prévoit une baisse de 18,5 milliards d’euros sur ses bénéfices en raison des pertes de production. S’ajoute à cela, une baisse de 10,2 milliards d’euros s’expliquant par le plafonnement des prix de l’énergie.
Par ailleurs, les finances d’EDF ne risquent pas prochainement de se stabiliser. Outre la vente de sa production nucléaire, l’entreprise doit dorénavant racheter l’électricité vendue dans un marché instable à des records de prix.
Cette année, le gouvernement a même augmenté la part d’électricité vendue à bas prix à ses concurrents. Bien que cette décision vise à protéger les consommateurs de l’inflation des prix de l’énergie, les coûts d’EDF augmentent. Les pertes du groupe risquent de s’accentuer pour cet hiver.
Ainsi, dans le contexte de crise énergétique actuelle, la renationalisation d’EDF est un chantier pour l’État français qui tente de remettre de l’ordre dans le service public endetté.
Illustration : Energy industry illustrations par SOFIA ZHELTUKHINA