La production hydroélectrique canadienne, essentielle pour alimenter le pays et exporter vers les États-Unis, traverse une période critique. Avec plus de 60 % de l’énergie nationale provenant de cette source, les impacts du changement climatique posent des défis sans précédent pour ce pilier énergétique.
Depuis plusieurs années, les provinces productrices clés – Québec, Colombie-Britannique et Manitoba – subissent une baisse significative des précipitations, conduisant à une diminution drastique des niveaux de réservoirs. Hydro-Québec, entreprise publique majeure du secteur, a enregistré une chute de 30 % de ses profits pour les neuf premiers mois de 2024, selon des données officielles. Cette situation a conduit à une réduction des exportations d’énergie, atteignant leur plus bas niveau en 14 ans. Pour la première fois en huit ans, le Canada a même dû importer de l’énergie des États-Unis pendant trois mois consécutifs en début d’année.
Un cycle hydrologique bouleversé
Les experts pointent également un autre phénomène alarmant : l’augmentation des crues soudaines. Alors que ces événements étaient autrefois rares, ils deviennent de plus en plus fréquents et intenses, transformant radicalement le cycle hydrologique. Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), explique que les volumes d’eau et les précipitations dépassent désormais toutes les prévisions initiales sur lesquelles reposaient les infrastructures hydroélectriques.
Ces perturbations ne concernent pas uniquement le Canada. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) rapporte une baisse globale de la production hydroélectrique en 2023, marquant un « déclin mondial record ». Parmi les autres grands producteurs affectés figurent la Chine, la Turquie et les États-Unis.
Des infrastructures sous tension
Un constat préoccupant émerge également quant à la durabilité des infrastructures. Reza Najafi, chercheur à la Western University, alerte sur le fait que 40 à 50 % des barrages canadiens ont été construits il y a plus de 50 ans. Ces structures n’ont pas été conçues pour résister à l’intensification des événements climatiques extrêmes. Par conséquent, une révision en profondeur des normes de conception et de gestion s’impose.
Hydro-Québec a déjà commencé à s’adapter, en repensant la gestion des réservoirs pour prévenir à la fois sécheresses prolongées et crues soudaines. Toutefois, cette transition est complexe et exige une planification minutieuse. L’ingénieur Pierre-Marc Rondeau souligne que la société se prépare désormais à faire face à des scénarios imprévisibles en adaptant ses pratiques.
Un avenir incertain
Malgré ces efforts, la question demeure : les ajustements seront-ils suffisants pour répondre à la rapidité des changements climatiques ? Les chercheurs insistent sur l’urgence d’intégrer ces nouvelles réalités dans les lignes directrices nationales, tout en reconnaissant que les solutions nécessiteront des investissements massifs et des innovations technologiques.
L’hydroélectricité, symbole de la transition énergétique durable, est aujourd’hui mise à l’épreuve. Entre adaptation et vulnérabilité, le Canada devra jongler avec des choix stratégiques cruciaux pour garantir sa résilience énergétique face à un climat de plus en plus imprévisible.