L’avis rendu par la Cour internationale de justice (CIJ) sur les obligations des États en matière de changement climatique pourrait modifier durablement l’environnement juridique du secteur pétrogazier. S’il n’est pas contraignant, cet avis introduit néanmoins une interprétation du droit international qui expose potentiellement les acteurs à de nouveaux contentieux et à une relecture des permis d’exploration ou d’exploitation déjà délivrés.
Selon la Cour, le fait pour un État de ne pas prendre de mesures suffisantes pour limiter l’utilisation ou la production de combustibles fossiles peut constituer une violation du droit international. L’avis mentionne spécifiquement l’octroi de permis d’exploration ou de subventions aux énergies fossiles comme étant potentiellement illicite au regard des engagements climatiques.
Un cadre juridique plus incertain pour les industriels
Pour les entreprises opérant dans les hydrocarbures, cette évolution renforce les incertitudes liées à la réglementation et pourrait affecter les décisions d’investissement. Les juridictions nationales pourraient désormais invoquer l’avis de la CIJ pour remettre en cause des autorisations délivrées ou des projets en cours, notamment dans les pays où le droit international est directement applicable, comme les Pays-Bas ou la France.
Plusieurs juristes estiment que l’avis aura également un impact dans les contentieux commerciaux, notamment en cas de différends entre investisseurs et États concernant le retrait ou la suspension de permis d’exploitation. Ce risque est d’autant plus marqué dans les cas où des engagements climatiques nouveaux viendraient contredire des cadres réglementaires existants.
Des litiges potentiels sur le plan international
Dans les systèmes juridiques dualistes, où le droit international nécessite une transposition, l’influence reste indirecte mais tangible. Les juridictions constitutionnelles pourraient s’appuyer sur la portée morale et interprétative de la CIJ pour justifier des décisions défavorables aux industriels du pétrole. La reconnaissance par la Cour d’une « menace existentielle » renforce la possibilité pour certains pays vulnérables de demander réparation à des États pollueurs devant les tribunaux internationaux.
L’avis pourrait également servir d’argument de défense à des pays confrontés à des recours d’entreprises après avoir modifié leur politique climatique. Le cas de l’Italie, condamnée à indemniser un opérateur pétrolier pour l’annulation d’un permis de forage, illustre la complexité croissante de l’arbitrage entre souveraineté énergétique et responsabilités climatiques.
Des répercussions attendues dans les contrats et les arbitrages
La portée de l’avis est susceptible d’affecter les clauses de stabilité et les garanties juridiques traditionnellement intégrées dans les contrats entre gouvernements et opérateurs énergétiques. Les institutions financières pourraient également revoir leurs critères d’évaluation des risques pour les projets fossiles, en anticipant des contestations sur la légalité même des projets financés.
« Il sera plus difficile de prétendre à une attente légitime d’exploiter un projet fossile sans entrave », a estimé Lorenzo Cotula, expert en droit international. L’appréciation du risque juridique intègre désormais une dimension climatique explicite, avec des effets potentiellement durables sur la structuration du marché pétrogazier mondial.