Le secteur énergétique mondial fait face à un défi majeur : intégrer des énergies renouvelables intermittentes tout en assurant la stabilité des réseaux électriques. L’éolien et le solaire, bien que cruciaux pour la transition énergétique, ne sont pas constants et peuvent entraîner des périodes de surproduction ou de pénurie. Dans ce contexte, la technologie Power-to-Hydrogen-to-Power (PtP) émerge comme une solution prometteuse pour stocker l’excédent d’électricité sous forme d’hydrogène, puis le reconvertir en énergie. Cependant, plusieurs défis économiques et techniques doivent être surmontés pour rendre cette technologie viable à grande échelle.
Le principe de la technologie Power-to-Hydrogen-to-Power (PtP)
Le concept de PtP repose sur deux étapes principales : l’électrolyse de l’eau pour produire de l’hydrogène à partir d’électricité excédentaire, et la reconversion de cet hydrogène en électricité via une pile à combustible ou une turbine à gaz. L’électrolyse utilise l’électricité excédentaire pour diviser l’eau en oxygène et en hydrogène. Cette production d’hydrogène peut ensuite être stockée sous forme gazeuse dans des réservoirs haute pression ou sous forme liquide à des températures très basses. L’hydrogène stocké peut être utilisé dans une pile à combustible pour produire de l’électricité lorsqu’il est nécessaire, ou dans une turbine à gaz, comme une alternative aux centrales thermiques classiques.
Les rendements de la technologie PtP
Le rendement de la technologie PtP varie selon les composants utilisés. L’électrolyseur, qui divise l’eau en oxygène et en hydrogène, a un rendement qui oscille entre 60% et 79% selon la technologie utilisée. Les électrolyseurs à membrane échangeuse de protons (PEM) sont généralement plus coûteux mais offrent des rendements plus élevés, tandis que les électrolyseurs alcalins, bien que moins chers, ont des rendements plus faibles, entre 48% et 70%. Cette première étape de conversion est donc relativement efficace, mais elle reste inférieure à celle des autres technologies de stockage, comme les batteries lithium-ion.
La reconversion de l’hydrogène en électricité par pile à combustible ou turbine à gaz souffre d’une perte d’efficacité supplémentaire. Les rendements des piles à combustible varient entre 45% et 60%, tandis que les turbines à gaz offrent des rendements de l’ordre de 35% à 48%. Par conséquent, l’ensemble du processus Power-to-Hydrogen-to-Power peut afficher un rendement global qui varie entre 27% et 33%, ce qui le rend moins compétitif par rapport à d’autres formes de stockage d’énergie à court terme, comme les batteries de lithium-ion ou les systèmes de stockage par pompage.
Les avantages du PtP pour la gestion des fluctuations de production d’énergie
L’un des principaux avantages de la technologie PtP est sa capacité à stocker l’électricité à long terme. Contrairement aux batteries lithium-ion, qui sont plus adaptées au stockage d’énergie sur de courtes périodes (quelques heures à quelques jours), l’hydrogène peut être stocké pendant des périodes beaucoup plus longues, allant de plusieurs semaines à plusieurs mois. Ce stockage de longue durée pourrait aider à pallier les périodes de faible production des énergies renouvelables, comme les journées sans vent ou les périodes nuageuses qui limitent l’efficacité des panneaux solaires.
En Allemagne, par exemple, la production d’énergie éolienne peut chuter considérablement pendant l’hiver, notamment pendant la saison de « dunkelflaute » où les conditions météorologiques rendent l’éolien presque inutile. À cette période, le stockage d’hydrogène pourrait fournir une source d’énergie stable pour alimenter le réseau. Selon une étude menée par l’International Renewable Energy Agency (IRENA), l’Allemagne pourrait intégrer jusqu’à 7% de sa consommation énergétique annuelle dans des systèmes PtP d’ici 2030, contribuant ainsi à la résilience du réseau.
Les enjeux géopolitiques et économiques du stockage d’hydrogène
L’augmentation de la production d’hydrogène et le stockage de l’énergie sous forme d’hydrogène apportent également des avantages géopolitiques. L’hydrogène peut être produit localement, ce qui permet de réduire la dépendance vis-à-vis des importations d’énergie fossile. Cela constitue un enjeu stratégique majeur pour les pays qui cherchent à diversifier leurs sources d’énergie, réduire leur empreinte carbone et garantir leur indépendance énergétique. La Chine, par exemple, prévoit d’investir massivement dans les infrastructures de production d’hydrogène pour soutenir sa transition énergétique et sécuriser son approvisionnement énergétique à long terme.
Cependant, les coûts de production de l’hydrogène par électrolyse sont actuellement élevés. Le coût d’un kilowattheure (kWh) d’énergie produit par PtP varie entre 0,35 et 0,55 USD/kWh, selon la technologie utilisée et l’emplacement de la production. Ce coût est encore supérieur à celui de la production d’énergie à partir de gaz naturel ou de charbon, mais il pourrait baisser à mesure que la technologie se développe et que l’échelle de production augmente. Les experts estiment qu’à mesure que les investissements augmentent et que la production se standardise, le coût de l’électricité à partir d’hydrogène pourrait diminuer de 30% à 50% d’ici 2030.
La rentabilité économique de la technologie PtP
Le coût des systèmes PtP, qui incluent les électrolyseurs et les turbines à gaz, est également un obstacle à leur adoption à grande échelle. Actuellement, les installations de stockage d’hydrogène sont bien plus coûteuses que les technologies alternatives. Par exemple, le coût d’installation d’un électrolyseur à haute capacité est estimé à environ 300 USD/kWh, ce qui est bien plus élevé que le coût de production des batteries lithium-ion (environ 100 à 300 USD/kWh). De plus, les infrastructures nécessaires pour transporter et stocker l’hydrogène (réservoirs haute pression, pipelines) augmentent encore le coût total du système.
Cependant, la rentabilité à long terme de PtP pourrait devenir plus compétitive si le stockage d’hydrogène devient plus courant. Les projets pilotes dans des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis montrent des signes positifs. Par exemple, un projet pilote en Allemagne, financé par l’UE, a montré qu’une solution PtP à grande échelle pourrait entraîner des réductions de coûts de 15% à 20% à partir de la troisième génération de systèmes, ce qui pourrait rendre cette technologie plus rentable à long terme.
Les projets internationaux et la viabilité de PtP
Dans plusieurs pays, des projets pilotes ont été lancés pour tester la viabilité de la technologie PtP à grande échelle. En Belgique, par exemple, un projet de 10 MW de production et de stockage d’hydrogène devrait être achevé d’ici 2025. Ce projet vise à démontrer l’efficacité de l’hydrogène comme solution de stockage d’énergie à long terme. En France, plusieurs études montrent que l’hydrogène pourrait couvrir environ 10% des besoins en électricité d’ici 2035, grâce à une combinaison de systèmes PtP et d’autres technologies de stockage.
En Asie, le Japon et la Corée du Sud investissent dans des infrastructures de production d’hydrogène pour diversifier leurs sources d’énergie. La Chine a lancé un projet ambitieux de « réseau de gaz à hydrogène », visant à connecter plusieurs régions pour distribuer l’hydrogène à faible coût et augmenter la part de l’hydrogène dans le mix énergétique du pays.