L’ambition de la neutralité carbone de la Chine en 2060 a été annoncée le 22 septembre par leur président Xi Jinping. C’est au cours de l’assemblée générale de l’ONU qui a dévoilé de nouvelles ambitions autour de la « révolution verte » de la Chine à la surprise des autres pays membres.
L’ambition de la neutralité carbone pour le plus grand émetteur au monde
Produisant 28 % des émissions carbone mondiales, la Chine est le pays le plus émetteur de gaz à effet de serre au monde. La majorité de ces émissions proviennent de la production d’électricité dont la source d’énergie primaire principale est le charbon (66% de la production chinoise). Lors des Accords de Paris en 2015, la Chine a présenté des objectifs de réduction des émissions en visant un pic autour de 2030.
À la fin du mois de septembre, le président Xi Jiuping a levé la barre en annonçant vouloir atteindre le pic avant 2030 puis réduire les émissions jusqu’à atteindre la neutralité carbone en 2060. Cette promesse était attendue par les membres de l’Union Européenne qui ont eux-mêmes annoncé une neutralité carbone d’ici 2050.
« L’humanité ne peut plus se permettre d’ignorer les avertissements répétés de la nature et emprunter les sentiers battus de l’extraction des ressources sans investir dans la conservation, ni de poursuivre le développement au détriment de la protection et de l’exploitation des ressources sans restauration. » Xi Jiuping, AG ONU 22 sept 2020
Suite aux Accords de Paris, si toutes les nations tenaient leurs promesses de réduction d’émissions, le réchauffement climatique a été estimé à 2,7 °C au-dessus des températures préindustrielles à la fin du siècle. D’après les calculs de Carbon Brief, la neutralité carbone de la Chine d’ici 2060 permettrait de réduire cette valeur à 2,45 °C. Ce nouvel objectif pourrait éviter l’émission de 215 milliards de tonnes de CO2 sur les quarante prochaines années.
L’impact positif de la neutralité carbone sur l’économie chinoise
Malgré le coût important de la décarbonation, estimé à $250 /tCo2, la transition vers la neutralité carbone serait une opportunité économique pour la Chine. Xi Jiuping a annoncé que la Chine mise sur les industries des énergies renouvelables pour relancer l’économie après la pandémie de coronavirus. Un fort investissement dans la transition énergétique dans les prochaines années entrainerait une hausse du PIB chinois de 5 % d’ici à la fin de la décennie.
En effet, la Chine est le leader mondial dans les technologies de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables. Elle est la plus grande productrice, exportatrice et installatrice de panneaux solaires et d’éoliennes. La Chine domine également le marché des véhicules électriques. Les grands groupes du secteur comme China Ressources Power Holdings ou China Huaneng Group ont beaucoup investi dans ces marchés récemment.
La hausse du PIB résulterait également de la diminution des imports d’énergies fossiles. La Chine est actuellement le premier pays importateur de charbon, pétrole et gaz naturel.
Cependant, cette croissance économique ne serait pas répartie de manière égale sur tout le territoire. Les travailleurs de l’industrie du charbon dans les provinces seraient les plus affectés par les nouvelles mesures de neutralité carbone.
Feuille de route vers la neutralité carbone très attendue
Les mesures concrètes pour atteindre la neutralité carbone n’ont pas encore été annoncées par le président Xi Jiuping. Il prévoit de se baser sur la réglementation de l’efficience énergétique, la politique de la taxe carbone, l’amélioration technologique et la fermeture des centrales à charbon.
Un groupe de chercheurs de l’université de Tsinghua a présenté un plan de transition sur 30 ans et avec un budget de 15 billiards de dollars. Pour atteindre la neutralité il faudra diminuer l’utilisation des énergies fossiles dans la production d’électricité et dans les transports.
L’électricité devra représenter 80 % de l’énergie finale et provenir de sources renouvelables ou d’énergie nucléaire. La production d’électricité décarbonée ira de pair avec le développement des véhicules électriques pour décarboner les transports. La production d’hydrogène vert jouera également un rôle important pour réduire les émissions liées aux transports (objectif 1 million de voitures à hydrogène en 2030) mais également dans le stockage des énergies renouvelables.
Le plan d’action détaillé du gouvernement chinois est très attendu et servira de feuille de route pour les autres nations.
La Chine peine à se détacher du charbon
De nouvelles centrales à charbon en construction
Malgré la volonté exprimée par le président chinois de remplacer les centrales à charbon par des sources d’énergie renouvelable, la capacité installée de centrales à charbon ne fait qu’augmenter.
En 2019, la capacité totale installée de centrales à charbon s’élevait à 1050 GW. À ce jour, 100 GW supplémentaires sont en construction et plus de permis de construire pour des centrales ont été délivrés depuis la crise sanitaire qu’en 2018 et 2019 réunis. Le redressement économique suite au coronavirus semble être principalement mené par l’ouverture de nouvelles centrales.
Or, d’après une étude de Lauri Myllyvirta, chercheuse au Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur d’Helsinki, les centrales à charbon chinoises sont surdimensionnées et ne fonctionnent qu’à 50% de leur capacité. Elles ne sont souvent pas rentables. L’installation de ces centrales a donc uniquement pour objectif de relancer l’économie au moment de la construction.
À ce jour, 3,5 millions de personnes travaillent dans l’industrie du charbon en Chine.
Les difficultés de développement des énergies bas-carbone
Le temps d’opération, l’intermittence et la difficulté de stockage des énergies renouvelables posent des défis techniques à l’intégration de l’électricité renouvelable sur le réseau de distribution. L’augmentation de la production d’électricité nucléaire quant à elle est freinée par la peur d’une catastrophe nucléaire comme celle de Fukushima en 2011. Les centrales nucléaires suscitent beaucoup d’opposition publique et les nouvelles mesures de sécurité rendent les installations chères.
L’impact mondial de la neutralité carbone en Chine
La Chine est le plus grand acteur du marché des énergies. L’annonce de la neutralité carbone pour 2060 est très importante pour la transition énergétique mondiale.
Investissements financiers qui profiteront à la transition énergétique mondiale
Les investissements que la Chine devra réaliser pour atteindre la neutralité carbone à travers le développement des technologies de production d’énergies renouvelables profiteront au monde entier. L’amélioration des technologies et de leurs rendements entraînera une baisse du coût de l’exploitation des énergies renouvelables. Lorsque celles-ci concurrenceront économiquement les énergies fossiles, leur développement à l’échelle mondiale sera facilité.
Stratégie géopolitique face aux États-Unis
La Chine partage le podium des pays les plus émetteurs de CO2 avec l’Inde et les États-Unis. Dans un contexte où le président Trump s’est retiré des Accords de Paris, en attribuant toute responsabilité de réchauffement climatique aux activités chinoises, l’annonce du président Xi se présente comme une résistance à la volonté du président américain.
Le président Xi Jiuping, dont la protection de l’environnement est un objectif important de son mandat, appelle à tous les pays de l’ONU de relancer leur économie avec la transition économique. Des actions concrètes de la part de son gouvernement sont attendues par les pays membres.