La France a réuni mardi à Paris une quinzaine de représentants de pays pro-nucléaire du Vieux continent, afin d’établir « une feuille de route » du développement de cette énergie, s’érigeant en fer de lance européen de l’atome. Il s’agit de déterminer de quelle manière « le nucléaire va contribuer à atteindre nos objectifs de neutralité carbone dans les 30 ans qui viennent », a déclaré devant la presse la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, alors que, parallèlement, l’Assemblée nationale devait voter définitivement mardi le projet de loi de relance du nucléaire en France.
Quinze pays étaient conviés au ministère: Belgique, Bulgarie, Croatie, République tchèque, Estonie, Finlande, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovénie, Suède, Slovaquie, ainsi qu’Italie (« pays observateur ») et Royaume-Uni comme « invité spécial » venu partager son retour d’expérience. « Cette réunion a montré que nous pouvions, si on assemblait tous les projets, (…) atteindre un potentiel de 150 gigawatts (GW) de nucléaire déployé en 2050 », contre 100 GW aujourd’hui, a déclaré Mme Pannier-Runacher.
Ce chiffre est le résultat de « l’addition des différents projets » et « la projection de ce que représenterait le simple maintien de la part du nucléaire dans le mix électrique européen (25%) », a précisé la ministre. A la clef, selon elle, « 450.000 recrutements supplémentaires en Europe ». L’ONG Greenpeace, dont quelques militants ont manifesté devant le ministère, a dénoncé une « diversion climatique », estimant que, compte tenu du temps nécessaire pour construire des réacteurs, le nucléaire serait « hors délai pour répondre à la crise climatique et énergétique ».
« Le nucléaire est une énergie trop lente à construire et vulnérable aux impacts du dérèglement climatique », a-t-elle insisté. « Alors que les prochaines années seront cruciales pour mettre l’Europe sur la bonne trajectoire climatique, aucun des nouveaux EPRs annoncé par le gouvernement français ne sera prêt avant au mieux une quinzaine d’années », selon l’ONG.
Cette réunion de l’alliance nucléaire intervient alors que les Vingt-Sept entament leurs négociations sur un projet de loi visant à encourager l’essor des technologies vertes dans l’UE, en réponse à l’Inflation Reduction Act américain (plan massif de subventions vertes).
Peser
Proposé mi-mars par la Commission européenne, ce projet de « règlement pour une industrie à zéro émission » de gaz à effet de serre propose de nombreux allègements réglementaires, outre une simplification des aides d’Etat. Il cite le nucléaire parmi les moyens de décarboner l’économie, ce qui constitue une victoire politique pour la France et les pays de l’UE pro-atome.
Mais, en pratique, ne sont concernés que les réacteurs de 4e génération qui n’existent pas encore et doivent permettre de réduire les déchets quasiment à zéro, les petits réacteurs modulaires, également en cours de développement, et de futurs combustibles. Un périmètre restreint susceptible de satisfaire le camp des anti-nucléaires emmenés par l’Allemagne.
Mme Pannier-Runacher a exprimé mardi le voeu que les échanges entre pro-nucléaires « permettent d’aider à construire un consensus au sein du conseil européen de l’énergie pour intégrer pleinement le nucléaire dans la stratégie énergétique de l’Union ». Il s’agit de la troisième réunion de cette alliance, constituée pour défendre le nucléaire dans la décarbonation de l’économie.
Pour la première fois cependant, elle ne s’est pas réunie en marge d’un conseil européen de l’énergie mais indépendamment. Dans une déclaration commune, les participants à cette réunion ont également souligné « la nécessité de veiller à ce que l’Europe continue à réduire sa dépendance à l’égard des importations russes », notamment en ce qui concerne le combustible nucléaire.
En intégrant le Royaume-Uni, « sur la filière nucléaire, nous sommes indépendants au-delà de 90%, il n’y a aucune autre énergie sur laquelle nous avons ce niveau d’indépendance », a souligné Mme Pannier-Runacher. S’agissant des pays qui comptent sur leur sol des centrales de technologie russe, la ministre a estimé à « une petite dizaine d’années » le temps nécessaire pour sortir de la dépendance au combustible russe.