La Serbie examine la possibilité de réintégrer le nucléaire dans son mix énergétique. Actuellement, environ 70 % de son électricité provient du charbon, ce qui positionne Belgrade parmi les villes les plus polluées d’Europe. Le gouvernement, sous la direction du président Aleksandar Vucic, considère le nucléaire comme une solution pour diversifier ses sources d’énergie et réduire les risques de dépendance à long terme. Fin août, une Déclaration d’intention est signée avec la France pour coopérer dans le domaine de l’énergie nucléaire, ouvrant ainsi la voie à des négociations plus poussées.
Cette initiative s’accompagne de consultations publiques sur une possible modification de la législation énergétique, qui inclurait la levée du moratoire de 1989 sur le nucléaire civil. L’exploration de cette option suscite cependant un débat intense au sein de la population. Un sondage du think tank New Third Way montre que les opinions sont partagées : un tiers des personnes interrogées s’opposent à l’énergie nucléaire, un tiers sont favorables, et un tiers restent indécises. Cependant, la majorité s’accorde sur la nécessité de réduire progressivement la part du charbon dans la production électrique du pays.
Des Enjeux Stratégiques et Réglementaires Complexes
Le retour potentiel de la Serbie au nucléaire pose des questions stratégiques importantes. La signature de l’accord de coopération avec la France représente un premier pas, mais la route vers la construction d’une centrale est longue. Il faudrait près de deux décennies pour mener à bien un tel projet, selon les projections actuelles. Cela comprend des études de faisabilité, la recherche de financements, et l’obtention des licences nécessaires. Par ailleurs, la question de la gestion des déchets radioactifs reste un obstacle majeur à surmonter.
Slobodan Bubnjevic, de l’Institut de Physique de l’université de Belgrade, rappelle que l’engagement dans le nucléaire impose des responsabilités à long terme, notamment en ce qui concerne la gestion des déchets et le démantèlement des installations en fin de vie. Les coûts liés à ces processus ne sont pas négligeables et doivent être intégrés dans les calculs de rentabilité des futurs projets. Ce point est particulièrement pertinent dans le contexte serbe, où les ressources financières et la capacité institutionnelle pour gérer de telles opérations sont limitées.
Défis Économiques et Opportunités de Coopération Internationale
La Serbie se retrouve dans une position unique : entourée de pays comme la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie, qui exploitent déjà des centrales nucléaires. Le directeur des Installations nucléaires serbes (NFS), Dalibor Arbutina, souligne que la Serbie partage les mêmes risques que ses voisins, mais sans bénéficier de l’énergie nucléaire. Cette situation incite le gouvernement à envisager des options pour ne pas rester à la traîne dans la région, notamment face à des besoins énergétiques en constante augmentation.
Le président Vucic met en avant la nécessité de préparer le pays à la croissance de la demande électrique, exacerbée par des facteurs tels que l’essor des véhicules électriques et l’adoption de nouvelles technologies énergivores. Le nucléaire est présenté comme une solution pragmatique, même s’il implique des investissements substantiels et une restructuration de la politique énergétique nationale. La coopération internationale, notamment avec la France, est perçue comme un moyen d’accélérer ce processus, tout en tirant parti de l’expertise existante dans le secteur.
Perspectives et Considérations pour le Secteur Énergétique Serbe
La possibilité de voir le nucléaire revenir en Serbie reste encore incertaine et suscite de nombreuses discussions. Les autorités doivent concilier des intérêts divergents, entre une opinion publique méfiante et les impératifs économiques et stratégiques de la transition énergétique. Les consultations en cours et les accords de coopération pourraient offrir un cadre favorable, mais les défis de mise en œuvre sont nombreux. L’issue de cette réflexion pourrait redéfinir la position de la Serbie sur la carte énergétique de la région, influençant ainsi ses relations économiques et politiques avec ses voisins et partenaires internationaux.