Depuis les explosions qui ont touché les pipelines Nord Stream 1 et 2 en septembre 2022, la Russie a multiplié les accusations envers l’Occident, pointant notamment du doigt les États-Unis et le Royaume-Uni, tout en appelant à une enquête transparente. Ces deux pipelines, qui acheminaient du gaz russe vers l’Allemagne via la mer Baltique, étaient au cœur de la politique énergétique de la Russie, lui permettant d’acheminer ses ressources sans passer par les routes terrestres, en particulier celles qui traversent l’Ukraine et la Pologne.
Le Kremlin a depuis utilisé cet incident pour intensifier sa rhétorique contre l’Occident, accusant les enquêtes en cours de manquer de transparence. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a récemment annoncé que la Russie envisage de porter l’affaire devant la Cour internationale de justice (CIJ), en vertu des conventions pour la répression des attentats terroristes à l’explosif de 1997 et de celle contre le financement du terrorisme de 1999. Cette annonce fait suite à ce que Moscou qualifie de « tentative occidentale de dissimulation » sur un acte de sabotage qui a compromis des infrastructures stratégiques.
Les accusations de la Russie et les enquêtes en cours
Les autorités européennes ont lancé des enquêtes, mais les résultats n’ont pas permis de déterminer les responsables. L’Allemagne a émis un mandat d’arrêt contre un ressortissant ukrainien, Volodymyr Z., soupçonné d’avoir été l’un des principaux acteurs de l’attaque. Les médias ont rapporté que ce suspect aurait fui la Pologne vers l’Ukraine peu après l’émission du mandat. Cette situation complique les démarches légales, et les enquêtes danoises et suédoises ont été clôturées sans identification de coupables.
De plus, de récentes informations rapportées par le Financial Times mentionnent que des éléments de l’enquête allemande indiquent que Volodymyr Z. aurait agi en complicité avec d’autres suspects. Ces rapports, basés sur des sources anonymes proches de l’enquête, suggèrent que les saboteurs avaient planifié l’attaque à l’avance, en utilisant des techniques de plongée professionnelle pour poser des explosifs sous-marins à des points névralgiques des pipelines.
Impacts sur les relations énergétiques entre la Russie et l’Europe
L’impact de ces explosions va au-delà des dommages matériels. Les pipelines Nord Stream étaient essentiels pour le transit du gaz vers l’Europe, et leur destruction a marqué un tournant dans les relations énergétiques entre la Russie et l’UE. Avant l’attaque, l’Allemagne comptait sur Nord Stream 1 pour sécuriser ses besoins énergétiques, alors que Nord Stream 2, tout juste construit, n’avait pas encore commencé ses opérations. Ces infrastructures étaient perçues par Moscou comme des instruments géopolitiques stratégiques, permettant à la Russie de contourner les routes traditionnelles via l’Ukraine et de réduire l’influence des pays de transit.
La destruction des pipelines a contraint l’Europe à chercher d’autres sources d’approvisionnement énergétique, accentuant sa dépendance au gaz naturel liquéfié (GNL) importé des États-Unis et du Qatar. L’Allemagne, principal client de ces infrastructures, a également accéléré ses efforts pour renforcer la résilience de son réseau énergétique. Cependant, ces ajustements ont un coût économique élevé et ne compensent pas encore totalement les pertes subies depuis l’arrêt des flux de gaz russes.
Les perspectives juridiques et diplomatiques
Porter cette affaire devant la Cour internationale de justice pourrait avoir des conséquences diplomatiques importantes. Si la Russie parvient à prouver que les pays européens n’ont pas respecté leurs engagements, cela pourrait affecter la légitimité des futures enquêtes sur des incidents similaires. Toutefois, ce type de procédure peut prendre des années et dépendra de la reconnaissance de la juridiction de la CIJ par les parties concernées, ce qui complique davantage la situation.
En attendant, Moscou maintient la pression, affirmant que les explosions de Nord Stream ont été planifiées par des forces occidentales, une accusation que les États-Unis et le Royaume-Uni continuent de nier fermement. La Russie utilise également cette affaire pour renforcer ses liens avec ses partenaires non européens, comme la Chine, et développer de nouvelles routes d’exportation vers l’Asie pour compenser la perte de ses revenus énergétiques en Europe.