L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle (IA) entraîne une course à l’infrastructure numérique sans précédent, dominée par les principaux groupes technologiques américains. Mais cette course bute désormais sur une contrainte structurelle majeure : l’accès à une capacité électrique suffisante pour alimenter des centres de données de plus en plus gourmands en énergie.
Les centres de données, nouvel épicentre de la consommation électrique
Les investissements massifs engagés par Microsoft, Google, Amazon Web Services (AWS) et Meta dans l’IA ont d’abord porté sur les processeurs, avec des commandes record de puces, notamment auprès de Nvidia. Désormais, la difficulté réside dans la disponibilité de sites capables d’abriter et d’alimenter les futures fermes de serveurs. Le délai moyen de construction de ces installations aux États-Unis est estimé à deux ans, tandis que les lignes à haute tension nécessaires mettent jusqu’à dix ans à entrer en service.
Cette dynamique se traduit par une pression accrue sur les opérateurs d’électricité, en particulier dans les régions à forte concentration de centres de données. En Virginie, Dominion Energy fait face à une demande cumulée de 47 gigawatts (GW), équivalente à la capacité de plusieurs dizaines de réacteurs nucléaires.
Une consommation projetée en forte hausse d’ici 2030
Selon plusieurs projections, les centres de données pourraient représenter entre 7 et 12 % de la consommation totale d’électricité aux États-Unis d’ici 2030, contre environ 4 % aujourd’hui. Cette progression rapide inquiète les acteurs du secteur électrique, confrontés à des arbitrages délicats entre les besoins industriels et la sécurité d’approvisionnement des ménages.
Certains experts appellent néanmoins à la prudence. Jonathan Koomey, chercheur à l’université de Berkeley, souligne que de nombreux projets annoncés pourraient ne jamais voir le jour, rappelant les exagérations observées lors de la bulle internet des années 2000.
Retour du charbon et montée du gaz dans le mix énergétique
Face au risque de pénurie, plusieurs énergéticiens américains ont décidé de retarder la fermeture de centrales à charbon. Parallèlement, le gaz naturel, qui alimente déjà 40 % des centres de données selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), gagne en attractivité en raison de sa rapidité de déploiement.
En Géorgie, un fournisseur d’énergie a récemment sollicité l’approbation pour l’installation de 10 GW de générateurs au gaz. D’autres acteurs ont acquis en urgence des turbines d’occasion à l’étranger, voire recyclé des turbines d’avions pour répondre à la demande.
Révision des engagements climatiques et diversification énergétique
Confrontés à cette tension énergétique, les groupes technologiques modèrent leur communication sur les objectifs climatiques. Google n’affiche plus son ambition de neutralité carbone pour 2030, tandis que Microsoft, Amazon et d’autres privilégient désormais les investissements dans des solutions énergétiques diversifiées.
Amazon soutient le développement de réacteurs nucléaires modulaires (small modular reactors, SMR), tandis que Microsoft et Google misent sur le redémarrage de réacteurs conventionnels désaffectés. Par ailleurs, ces groupes investissent massivement dans le solaire et le stockage par batteries, notamment en Californie et au Texas.
Certains projets explorent également des pistes hors de l’atmosphère terrestre. Des initiatives de Google et de la société xAI, fondée par Elon Musk, visent à alimenter des puces installées en orbite grâce à l’énergie solaire spatiale, avec des essais prévus à partir de 2027.