Les plus grandes organisations syndicales du secteur pétrolier nigérian ont déclenché une grève contre la raffinerie de Dangote, bloquant les expéditions de carburant depuis le site de Lekki, près de Lagos. Le mouvement a été lancé en réponse à la décision du groupe industriel de mettre en circulation sa propre flotte de 4 000 camions, réduisant la dépendance aux prestataires de transport tiers.
Une offensive logistique qui inquiète les syndicats
La Nigerian Union of Petroleum and Natural Gas Workers (Nupeng) a appelé ses membres à suspendre immédiatement les chargements de produits pétroliers, invoquant des risques pour des milliers d’emplois de chauffeurs affiliés au syndicat. Selon Nupeng, cette réorganisation interne pourrait fausser la concurrence dans le secteur en concentrant la distribution entre les mains d’un seul acteur.
Le syndicat accuse également le groupe Dangote d’avoir empêché ses employés de s’organiser syndicalement, en violation présumée du droit du travail nigérian. Dès le 5 septembre, la branche des conducteurs de camions-citernes a reçu l’ordre de retirer ses services du site. Les premiers arrêts ont été confirmés à compter du 8 septembre, date à laquelle le mouvement a été étendu à l’échelle nationale.
Soutien de Pengassan et risque de paralysie élargie
Le Petroleum and Natural Gas Senior Staff Association of Nigeria (Pengassan) a apporté son soutien à la grève, avertissant qu’il pourrait également cesser ses activités si le groupe ne reconnaît pas le droit de ses salariés à se syndiquer. Ses membres sont impliqués dans les processus d’exportation, de documentation et de gestion des terminaux pétroliers.
Des sources du marché ont confirmé que plusieurs transporteurs ont cessé leurs opérations sur le site de la raffinerie, alimentant les inquiétudes concernant une nouvelle perturbation de l’approvisionnement national en carburant. Le gouvernement fédéral a convoqué une réunion avec les syndicats le 8 septembre, mais aucun communiqué officiel n’a été publié à la suite de ces discussions.
Déploiement retardé et tensions sur la concurrence
La raffinerie Dangote avait initialement prévu le lancement complet de sa flotte au gaz naturel comprimé (GNC) à la mi-août. Toutefois, des retards logistiques liés à l’expédition des véhicules depuis la Chine ont obligé l’entreprise à procéder par étapes. À ce jour, environ 1 000 camions sont arrivés au port, les autres devant suivre dans les semaines à venir.
Le conflit s’ajoute aux difficultés opérationnelles déjà rencontrées par la raffinerie, unique installation fonctionnelle à grande échelle dans le pays. La panne survenue début septembre sur l’unité de craquage catalytique à lit fluidisé (RFCC), d’une capacité de 150 000 barils par jour, a réduit temporairement la production d’essence. L’unité de reformage de 120 000 barils par jour reste en service, tout comme les lignes de production de diesel, de kérosène et de fioul, dont une partie est destinée à l’exportation.
Pression croissante sur les marges des opérateurs
Au-delà de l’enjeu logistique, les syndicats dénoncent également un projet de réforme fiscale prévu pour janvier 2026. Cette nouvelle réglementation augmenterait la fiscalité sur les importations de carburant, ce qui, selon Nupeng, pourrait accentuer les déséquilibres concurrentiels en faveur du groupe Dangote.
La raffinerie, conçue pour réduire la dépendance aux importations de carburant du Nigeria, est perçue comme un levier stratégique majeur pour le pays. Toutefois, la montée des tensions sociales autour de son exploitation soulève des interrogations sur le modèle de gouvernance adopté pour cette infrastructure d’envergure.