Le soutien public français à la filière de l’hydrogène décarboné, jugé essentiel pour décarboner l’industrie et diversifier les usages énergétiques, demeure très en deçà des engagements pris. Dans son dernier rapport, la Cour des comptes constate un fort écart entre les objectifs fixés par les pouvoirs publics et les moyens réellement mobilisés depuis 2020. Sur les 9 Md€ annoncés pour l’ensemble de la chaîne de valeur, seuls 0,9 Md€ ont été effectivement engagés en quatre ans, La Cour des comptes a rapporté en avril 2025.
Des objectifs nationaux ambitieux mais difficilement atteignables
La seconde stratégie nationale pour l’hydrogène (SNH2), publiée en avril 2025, prévoit l’installation de 4,5 gigawatts de capacités d’électrolyse d’ici 2030, contre un objectif initial de 6,5 GW fixé en 2020. Ce chiffre devrait atteindre 8 GW en 2035. Cependant, les projets fermement sécurisés ne dépassent pas 0,5 GW à ce jour. Dans un scénario jugé optimiste, ce total pourrait atteindre 3,1 GW d’ici 2030, soit encore loin de la cible fixée.
Les trajectoires proposées dans le projet de stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui prévoient une consommation annuelle de 1 million de tonnes d’hydrogène en 2035 et 4,4 millions de tonnes en 2050, reposent sur des hypothèses que la Cour juge trop ambitieuses au regard des projections révisées des agences indépendantes, comme l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ou le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
Un soutien public partiel et tardif
Sur les 9 Md€ annoncés, 2 Md€ sont alloués à la recherche et développement, 1,5 Md€ à l’industrialisation, 1,4 Md€ à l’installation d’électrolyseurs et au moins 4 Md€ à la production et aux usages. Toutefois, ces montants ne prennent pas en compte certains dispositifs indirects comme l’exonération d’accises sur l’électricité, les compensations carbone ou le tarif réduit d’utilisation des réseaux (TURPE). En les intégrant, le soutien public global se situerait entre 9,5 Md€ et 13,0 Md€.
Le retard dans les décaissements s’explique notamment par la publication tardive du premier appel d’offres de soutien à la production, lancé seulement en décembre 2024, alors qu’il était initialement prévu dès 2020. Ce délai a affecté la visibilité pour les porteurs de projets.
Une orientation budgétaire contestée
La Cour note par ailleurs qu’une large part des dépenses engagées – près de 46 % – a été destinée au transport routier, bien que ce segment soit désormais considéré comme secondaire par rapport aux batteries électriques. Ce choix soulève des interrogations sur la cohérence de la stratégie publique dans un contexte de contraintes budgétaires.
La production par électrolyse resterait, selon les estimations du rapport, significativement plus coûteuse que le vaporeformage du méthane. Entre 2031 et 2035, les surcoûts pourraient s’élever à 1,5 Md€/an à 4,1 Md€/an, atteignant entre 5,5 Md€/an et 11,0 Md€/an entre 2041 et 2045, si aucune amélioration technologique substantielle n’est réalisée.
La Cour recommande donc de réviser les trajectoires de production et de consommation à la lumière de scénarios plus crédibles, afin de garantir une mobilisation soutenable des ressources publiques.