La décision du ministère syrien de l’Énergie d’augmenter de façon exponentielle les tarifs de l’électricité, multipliant certaines factures par soixante, a provoqué un choc dans tout le pays. Cette mesure, annoncée fin octobre, intervient moins d’un an après la chute du président Bachar al-Assad et s’inscrit dans une politique de libéralisation économique menée par la coalition islamiste au pouvoir.
Une réforme motivée par la recherche de fonds publics
Les nouvelles autorités justifient cette hausse par la nécessité de financer la reconstruction nationale. Après treize années de conflit, la Banque mondiale estime le coût total des destructions à plus de 216 milliards de dollars. Les infrastructures énergétiques ont été parmi les plus touchées, avec des réseaux à terre et des centrales endommagées, entraînant des coupures de courant de plus de vingt heures quotidiennes dans certaines zones.
Pour les habitants, la fin des subventions se traduit par une charge insoutenable. Beaucoup doivent désormais souscrire à des abonnements privés pour accéder à des générateurs, multipliant leurs dépenses mensuelles. “Nos revenus sont limités, si les factures sont élevées, nous ne pourrons pas joindre les deux bouts”, déplore un forgeron de Damas.
Un tournant libéral aux effets immédiats
L’économiste Jihad Yazigi estime que cette mesure s’inscrit dans une logique de déréglementation progressive. Selon lui, “l’économie syrienne, déjà partiellement libérale avant 2024, subit aujourd’hui une ouverture totale”. Les autorités ont également supprimé les subventions sur des produits de base comme le pain, amplifiant la pression sur les ménages.
Dans les grandes villes, les loyers et les coûts de l’énergie atteignent des niveaux comparables, plongeant de nombreuses familles dans l’incertitude. “Si mon loyer est de 200 dollars et la facture d’électricité entre 200 et 400 dollars, comment je vais faire ?”, s’interroge un agent immobilier damascène.
Des investissements énergétiques encore peu visibles
Le gouvernement intérimaire d’Ahmad al-Chareh a annoncé plusieurs partenariats régionaux pour relancer la production. Le Qatar a notamment financé un projet d’approvisionnement en gaz naturel destiné à soutenir la production électrique syrienne, dont la première phase a permis d’ajouter 400 mégawatts via un acheminement par la Jordanie.
Mais pour l’heure, ces investissements ne suffisent pas à améliorer le quotidien. La pauvreté touche neuf Syriens sur dix et le chômage concerne un quart de la population, selon l’Organisation des Nations unies (ONU). “Nous avons de l’électricité à peine une heure par jour. Cet hiver, nous allons devoir nous réchauffer sous les couvertures”, confie une habitante de Damas.