La croissance continue de la demande de gaz naturel aux États-Unis en 2024 pose un dilemme stratégique pour l’administration américaine. Bien que l’administration Biden ait lancé de nombreuses initiatives pour promouvoir les énergies renouvelables, la production d’électricité à partir de gaz naturel continue de croître. Sur les neuf premiers mois de l’année, les producteurs d’électricité américains ont enregistré un pic de production de 55,6 millions de MWh, soit une hausse de près de 5 % par rapport à 2023.
Ce phénomène s’explique par l’importance du gaz naturel dans le réseau énergétique américain. Les réseaux PJM (Pennsylvanie, New Jersey, Midwest) et ISO Midcontinent, couvrant une grande partie de l’Arkansas et des États du Nord, ainsi que le réseau ERCOT au Texas, sont les plus gros contributeurs à cette augmentation, représentant chacun plus de 10 % de la production nationale. En revanche, le réseau SERC, couvrant les Carolines et la Géorgie, a réduit sa consommation de gaz de 2,5 %, compensant par une hausse de la production de charbon.
Une dynamique contrastée
Cette dynamique illustre un contraste marqué entre les ambitions climatiques et la réalité opérationnelle des États-Unis. Malgré la pression internationale et les engagements de transition énergétique, la production de gaz naturel reste en croissance. En parallèle, les entreprises gazières continuent de bénéficier de conditions favorables grâce à la demande croissante en Asie et en Europe, exacerbée par la crise énergétique européenne liée à l’invasion de l’Ukraine.
Sur le plan international, le Mexique, le Qatar et la Thaïlande affichent des croissances similaires, mais en termes de volume absolu, la part des États-Unis reste largement prédominante. Le marché global du gaz naturel pourrait ainsi devenir de plus en plus dominé par la politique américaine, influençant les prix mondiaux et accentuant les tensions avec les partisans de la transition énergétique.
Perspectives stratégiques
Le contexte américain reste marqué par une contradiction entre les ambitions de décarbonation et la réalité de sa production énergétique. L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) estime que les États-Unis produisent environ 30 % de l’électricité mondiale à partir de gaz, plaçant le pays bien au-dessus des niveaux de 2023. Ce paradoxe est encore plus flagrant dans le contexte des objectifs de l’administration Biden, qui cherche à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre tout en assurant la sécurité énergétique nationale.
Pour les entreprises du secteur, cette situation se traduit par une opportunité stratégique. Le géant ExxonMobil a récemment annoncé une expansion de ses capacités de production dans le bassin permien, estimant que la demande restera forte jusqu’en 2030. En parallèle, les sociétés de transport de gaz comme Kinder Morgan, avec ses pipelines couvrant plus de 80 000 km, prévoient une croissance de la capacité de transit vers les marchés asiatiques.
Impact sur les marchés internationaux
La croissance continue de la production de gaz naturel par les États-Unis pourrait remodeler la structure des prix mondiaux et intensifier les tensions géopolitiques, notamment avec la Russie et le Qatar, deux autres acteurs majeurs du secteur. De plus, cette dynamique pourrait mettre sous pression les politiques climatiques américaines, confrontées à la nécessité de garantir la stabilité énergétique.
Dans ce contexte, les perspectives à court terme semblent pointer vers une augmentation de la dépendance américaine au gaz naturel. La seule voie pour réduire cette dépendance réside dans une accélération majeure des investissements dans les énergies renouvelables et le stockage de grande échelle, ainsi que dans la modernisation des infrastructures énergétiques nationales.