La Cour des comptes a publié un rapport incisif sur le programme de construction des réacteurs EPR2, porté par EDF et soutenu par l’État français. Cette version optimisée des réacteurs EPR vise à relancer l’industrie nucléaire en France. Toutefois, le document met en lumière de nombreuses incertitudes susceptibles de compromettre la réussite de ce projet ambitieux.
Le rapport de 97 pages souligne les défis encore à surmonter. L’accumulation de risques et de contraintes, associée à une planification insuffisante, pourrait conduire à des dérives similaires à celles observées sur le chantier de Flamanville 3. Ce réacteur, initialement prévu pour 2012, n’a été raccordé au réseau qu’en décembre 2023, avec un dépassement de coûts atteignant 23,7 milliards d’euros en euros constants.
Un programme sous tension financière
Les magistrats financiers critiquent la rentabilité incertaine du projet. EDF a refusé de communiquer des données précises sur les coûts de production et la rentabilité prévisionnelle, malgré des recommandations similaires émises en 2020. La Cour estime que les six premiers EPR2 coûteront 67,4 milliards d’euros, soit une augmentation de 30 % par rapport aux prévisions initiales.
Face à ces incertitudes, le rapport recommande de reporter la décision finale d’investissement, prévue pour début 2026, jusqu’à ce que le financement soit sécurisé et que les études techniques soient suffisamment avancées. Il est également préconisé de limiter l’exposition financière d’EDF à l’international afin de ne pas ralentir le calendrier national.
Un secteur en pleine réorganisation
Depuis la renationalisation d’EDF, plusieurs efforts ont été entrepris pour redresser la filière nucléaire. La récupération des turbines Arabelle, stratégiques pour les centrales, est un pas en avant. Cependant, la Cour juge ces actions insuffisantes face à l’ampleur des défis à relever. La gouvernance, les processus internes et la capacité d’exécution des projets doivent être davantage rationalisés pour éviter les écueils du passé.
Le programme EPR2 reste central dans la stratégie énergétique française, annoncée par le président Emmanuel Macron en 2022. Avec six réacteurs prévus et huit en option, ce projet vise à renforcer l’indépendance énergétique de la France tout en répondant aux objectifs climatiques. Mais les risques de dépassements budgétaires et de retards appellent à une vigilance accrue.