La Bosnie-Herzégovine, nation des Balkans occidentaux, se trouve à un tournant décisif de son histoire énergétique. Malgré les promesses internationales visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, le charbon reste la pierre angulaire de son économie. La centrale thermique de Tuzla, approvisionnée par la mine de Mramor, est le cœur de cette dépendance complexe.
Le charbon au centre de l’économie et de la pollution
Le charbon est omniprésent dans la production énergétique bosniaque, représentant 94 % de sa production annuelle estimée à 13 millions de tonnes. Cette ressource, largement utilisée dans les centrales thermiques et les foyers, est également la principale source de pollution atmosphérique. Sarajevo, où le chauffage au charbon est courant, est souvent classée parmi les villes les plus polluées au monde. Un rapport de la Banque mondiale estime que 3 300 décès prématurés chaque année sont liés à la pollution de l’air en Bosnie.
Paradoxalement, ce charbon est aussi un moteur économique. Avec des réserves exploitables de 2,6 milliards de tonnes, la Bosnie est le seul exportateur net d’électricité des Balkans occidentaux. Près de 30 % de la production nationale est exportée, générant 430 millions d’euros en 2023.
Des ambitions de transformation complexes et coûteuses
Le gouvernement bosniaque a promis une décarbonation totale du secteur énergétique d’ici 2050. Mais ce changement nécessite des investissements considérables. Selon les experts, remplacer les 2 300 MW des centrales thermiques actuelles exigerait l’installation de 5 000 MW d’éolien ou 10 000 MW de solaire, pour un coût se chiffrant en milliards d’euros.
L’entreprise publique Elektroprivreda BiH prévoit de fermer deux blocs thermiques d’ici 2027 et d’investir 170 millions d’euros pour moderniser les installations restantes. En parallèle, 511 millions d’euros seront consacrés au développement de capacités renouvelables, avec 450 MW prévus d’ici 2028.
Cependant, la taxation carbone européenne, qui s’appliquera en 2026, et les critiques d’associations environnementales comme Aarhus Center, pointent une transition lente et insuffisante. La dépendance au charbon pourrait s’effondrer d’ici 2035, mettant en péril des milliers d’emplois.
Les répercussions sociales d’une transition retardée
Les fermetures de mines commencent déjà à affecter les communautés locales. À Zenica, la fin des activités minières a laissé 600 mineurs sans emploi et une dette sociale de 71,5 millions d’euros. Ces travailleurs, souvent privés de cotisations sociales complètes, se retrouvent dans une précarité croissante.
La Bosnie devra non seulement investir dans des infrastructures énergétiques modernes, mais également prendre en compte les coûts sociaux et environnementaux de cette transition. La question reste ouverte : pourra-t-elle concilier ses ambitions économiques avec ses engagements climatiques ?