Les investissements dans les projets d’hydrogène connaissent une forte accélération, mais demeurent confrontés à plusieurs incertitudes, selon le rapport Global Hydrogen Review 2024 de l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA). Au cours des 12 derniers mois, le nombre de décisions finales d’investissement (Final Investment Decisions, FID) pour les projets d’hydrogène a doublé, principalement dominé par la Chine, qui représente plus de 40 % de ces engagements. La capacité totale des électrolyseurs ayant atteint la FID est actuellement de 20 gigawatts (GW), un volume qui pourrait permettre de multiplier par cinq la production mondiale d’hydrogène à faible émission d’ici 2030.
La production totale d’hydrogène a atteint environ 97 millions de tonnes (Mt) en 2023, dont moins de 1 % est qualifié de faible émission. Cette proportion pourrait passer à 49 Mt par an d’ici 2030 si tous les projets actuellement annoncés se concrétisent. Les installations d’électrolyseurs ont atteint une capacité de 1,4 GW à la fin de 2023 et devraient dépasser 5 GW d’ici la fin de 2024. Cependant, la plupart des projets annoncés ne dépassent pas le stade de la planification en raison de l’absence de signaux de demande clairs et de la lenteur des incitations réglementaires.
Investissements et Défis Financiers
Les investissements mondiaux dans les projets d’approvisionnement en hydrogène ont totalisé environ 3,5 milliards USD en 2023, avec 80 % de ces dépenses allouées à la construction de capacités d’électrolyse et le reste à des projets couplés au captage et à la séquestration du carbone (Carbon Capture, Utilisation et Stockage, CCUS). La Chine a absorbé environ la moitié de ces investissements, tandis que l’Europe en a représenté un tiers. En revanche, les investissements dans les infrastructures telles que les pipelines, le stockage et les stations de ravitaillement restent faibles. Si tous les projets chinois en cours de développement atteignent leur stade de construction, les dépenses pourraient augmenter de 140 % en 2024.
Écart entre Production et Demande
Les gouvernements du monde entier ont fixé des objectifs de production de 43 Mt par an d’hydrogène à faible émission d’ici 2030, mais les objectifs de demande ne totalisent que 11 Mt, soit seulement 25 % des ambitions de production. Cet écart constitue un risque important, car sans demande correspondante, de nombreux projets risquent de ne pas se concrétiser. L’incertitude sur les cadres réglementaires et le manque d’alignement entre les régions menacent également de fragmenter le marché mondial de l’hydrogène.
Politiques de Soutien et Alignement Réglementaire
Le rapport met en avant la nécessité de renforcer les politiques de soutien à la demande, telles que les Carbon Contracts for Difference (CCfD) en Allemagne, ainsi que les mandats de l’Union Européenne (UE) pour l’aviation et le transport maritime. Cependant, ces initiatives, bien qu’encourageantes, restent insuffisantes pour assurer une croissance durable de l’hydrogène. De plus, les réglementations sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) associées à la production d’hydrogène, qui sont cruciales pour stimuler la confiance des investisseurs, demeurent incomplètes et manquent d’harmonisation entre les régions. À cet égard, la reconnaissance mutuelle des schémas de certification, engagée par 37 gouvernements lors de la COP28, pourrait réduire le risque de fragmentation.
Coûts de Production et Perspectives
Le coût de production de l’hydrogène bas-carbone est actuellement plus élevé que celui de l’hydrogène produit à partir de sources fossiles. Les coûts d’électrolyse ont récemment augmenté en raison de pressions sur les chaînes d’approvisionnement. Néanmoins, le rapport prévoit que ces coûts pourraient chuter à 2-9 USD/kg d’ici 2030, contre 4-12 USD/kg aujourd’hui, grâce à des avancées technologiques et à des économies d’échelle. Dans un scénario où les politiques actuelles ne changent pas (Scénario des Politiques Déclarées), cette réduction de coût ne serait que de 30 %, ce qui maintiendrait un écart significatif avec les coûts de production basés sur les combustibles fossiles.
Opportunités Régionales et Nouveaux Marchés
Le rapport de l’IEA met également en lumière le potentiel de l’Amérique latine pour devenir un acteur clé dans la production d’hydrogène bas-carbone. Des initiatives telles que le lancement du cadre régional de certification CertHiLAC visent à structurer le marché régional de l’hydrogène et à attirer des investisseurs internationaux. En Chine, le pipeline de projets pour l’électrolyse est de loin le plus avancé, avec une capacité de production annuelle de plus de 25 GW, représentant environ 60 % de la capacité mondiale de fabrication d’électrolyseurs.
Perspectives à Court et Long Terme
Les politiques de soutien à l’hydrogène continuent de se développer, mais elles restent insuffisantes par rapport aux objectifs globaux. En l’absence d’une demande accrue, les projets risquent de rester à l’état de concepts. La clé réside dans l’accélération de la demande par des incitations robustes et des cadres réglementaires clairs pour encourager l’utilisation de l’hydrogène dans les secteurs difficiles à décarboner tels que l’industrie lourde, la chimie et le raffinage.