Quatre salariés de RTE seront jugés le 28 février à Paris pour des soupçons d’interventions frauduleuses sur le réseau électrique en juin et juillet derniers, qui avaient déclenché une plainte du gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France, une procédure dénoncée par la CGT comme une “atteinte grave aux droits fondamentaux”.
Le parquet de Paris a remis vendredi à ces quatre hommes âgés de 31 à 35 ans, employés de RTE qui étaient en garde à vue depuis mardi dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), une convocation pour un procès devant le tribunal correctionnel de Paris le 28 février.
Ils seront jugés pour “entrave au fonctionnement d’un système automatisé de traitement des données”, “modification frauduleuse” d’un tel système et “introduction de données frauduleuses” dedans.
Les quatre salariés ont été entendus dans les locaux de la DGSI car RTE est un opérateur d’importance vitale pour le fonctionnement du pays.
Dans l’attente de l’audience, le parquet de Paris a demandé leur placement sous contrôle judiciaire.
RTE avait déposé plainte cet été à la suite de dégradations qui auraient entraîné des coupures de courant, avait indiqué une source proche du dossier.
L’enquête avait été ouverte le 29 juillet pour entrave à un système de traitement de données, sabotage informatique, accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, ainsi que pour introduction, modification et suppression de données d’un tel système.
Dans une note aux salariés consultée mercredi par l’AFP, la direction de RTE n’évoque toutefois pas de dégradation mais, par trois fois en juin et en juillet, une “perte de téléconduite”, c’est-à-dire que des postes électriques ont été rendus indisponibles pour être vus et manoeuvrés à distance, par exemple pour être mis hors tension, ce qui a “mis en risque important la sûreté du système électrique”.
“Chaque jour, des dizaines de pertes de téléconduites surviennent à cause d’un manque de fiabilité technique. S’il y a un +risque important (…)+, le réseau connaît quotidiennement de graves défaillances et ne pas y remédier est irresponsable”, a raillé vendredi dans un communiqué la Fédération nationale
mines-énergie de la CGT (FNME-CGT).
La centrale syndicale avait annoncé elle-même mercredi matin les placements en garde à vue, avant un rassemblement de soutien jeudi de quelque 80 agents de RTE en face de l’immeuble du quartier d’affaires de La Défense.
-“Criminalisation” –
Pour la FNME-CGT, cette procédure est une “criminalisation du droit de grève” : l’Etat met “les services anti-terroristes à disposition de RTE pour faire taire les revendications salariales”.
Les salariés de RTE ont observé au printemps dernier un mouvement de grève de plusieurs mois pour une revalorisation de leurs salaires, sans obtenir gain de cause.
“La machine à broyer continue”, a réagi auprès de l’AFP Francis Casanova, délégué syndical central CGT pour RTE, pour qui il y a une “connivence entre RTE et l’Etat au plus haut niveau pour terroriser les salariés qui revendiquent” et une disparition de l’Etat de droit au profit d’un “Etat policier”.
“La DGSI a mobilisé visiblement des moyens colossaux, des dizaines de personnes. Non seulement, les salariés en question sont sur écoute, mais les militants syndicaux sont sur écoute, c’est un truc de folie”, a ajouté M. Casanova.
Les mis en cause sont selon lui “des salariés lambda, quatre techniciens de maintenance de la région Nord”.
Avocat de l’un d’entre eux, placé sous contrôle judiciaire avec notamment interdiction de parler à ses camarades, Me Jérôme Karsenti a évoqué vendredi auprès de l’AFP des “actes militants syndicaux classiques et traditionnels” pour lesquels la direction de RTE “a souhaité faire un exemple pour faire
taire le débat social”.
Selon lui, “le contrôle judiciaire démontre une totale incompréhension du dossier. Interdire à des collègues militants, qui assurent ensemble et en responsabilité leurs actes, de se rencontrer, est une manière de poursuivre la répression de l’organisation syndicale et militante”, a-t-il dénoncé.
Sollicité par l’AFP, RTE n’a pas souhaité faire de commentaire vendredi en début de soirée.