L’Inde et le Japon ont établi une déclaration conjointe pour développer des écosystèmes d’hydrogène dit propre et d’ammoniac, avec une instance de pilotage et un suivi ministériel régulier. Le cadre couvre la recherche, l’investissement, l’exécution des projets, la logistique et l’harmonisation des règles. L’architecture bilatérale s’appuie sur la complémentarité : capacités de production renouvelable et terrains industriels en Inde, technologies et dispositifs de soutien à la demande au Japon. L’objectif opérationnel porte sur des déploiements domestiques et des flux orientés export.
Cadre politique et financier
La déclaration s’articule avec le « Joint Crediting Mechanism » (JCM, mécanisme d’acquisition conjointe) permettant l’échange d’« Internationally Transferred Mitigation Outcomes » (ITMO, résultats d’atténuation transférés) entre les deux pays. Ce mécanisme crée une valorisation additionnelle des réductions d’émissions issues de projets habilités, sous réserve d’un dispositif de mesure, rapportage et vérification. Côté japonais, la « Japan Organization for Metals and Energy Security » (JOGMEC, agence de sécurité énergétique) opère des soutiens de type « Contracts for Difference » (CfD, contrats pour la différence) destinés à combler l’écart de coût avec les références fossiles. Des pôles logistiques sont programmés pour organiser les importations d’hydrogène et d’ammoniac et sécuriser les maillons portuaires.
La « National Green Hydrogen Mission » (NGHM, mission nationale pour l’hydrogène vert) de l’Inde cible cinq millions de tonnes d’hydrogène par an à l’horizon 2030. Le standard national fixe une intensité carbone maximale de deux kilogrammes d’équivalent CO₂ par kilogramme d’hydrogène en moyenne annuelle. Le dispositif « Strategic Interventions for Green Hydrogen Transition » (SIGHT, interventions stratégiques pour la transition hydrogène) soutient la production et l’industrialisation des électrolyseurs. En parallèle, un marché domestique du carbone se met en place avec un registre dédié, afin de cadrer l’usage des certificats et la cohérence avec les engagements nationaux.
Objectifs de demande et normalisation
La stratégie hydrogène révisée du Japon prévoit une demande d’environ trois millions de tonnes d’hydrogène à l’échelle annuelle autour de 2030, puis une montée progressive à moyen terme. Le dispositif « Green Transformation » (GX, transformation verte) mobilise des financements pluriannuels et des mécanismes de garantie de prix via JOGMEC. Les lignes directrices nationales évoluent vers des seuils d’intensité carbone pour l’hydrogène et l’ammoniac selon une analyse du cycle de vie « du puits à la porte ». Le travail bilatéral vise une reconnaissance mutuelle des certificats afin d’assurer l’éligibilité aux aides et la transférabilité des volumes.
L’alignement méthodologique constitue un point central de la feuille de route. La convergence attendue porte sur le périmètre des émissions prises en compte, l’électricité amont, le transport maritime et, le cas échéant, le cracking de l’ammoniac pour reconstituer de l’hydrogène. L’objectif est d’éviter les divergences entre référentiels, de faciliter la bancabilité des contrats et de limiter les frictions à l’importation. Cette normalisation partagée conditionne l’accès aux CfD, l’intégration au JCM et la traçabilité des chaînes d’approvisionnement.
Projets d’export et flux logistiques
En Inde, plusieurs complexes industriels programmés positionnent l’ammoniac renouvelable pour l’exportation, avec des jalons indicatifs de démarrage à la fin de la décennie. Des capacités unitaires annoncées atteignent quelques centaines de milliers de tonnes par an, tandis que des pôles plus vastes visent le million de tonnes par an extensible. Des accords-cadres d’enlèvement ont été signés avec des acteurs internationaux, incluant des sociétés japonaises de l’énergie et du maritime, afin de sécuriser les volumes et la chaîne logistique.
Les projets associent accès portuaire, navires spécialisés et terminaux de réception dimensionnés pour des livraisons régulières. Les schémas contractuels intègrent des clauses relatives à l’intensité carbone et aux exigences de certification. Les opérateurs évaluent l’arbitrage entre ventes locales, exportations de molécules et valorisation d’ITMO sous JCM. La montée en échelle dépend des décisions finales d’investissement, de la disponibilité d’électricité à faible coût, des coûts d’électrolyseurs et de la stabilité des régimes de soutien à la demande.
Usages, démonstrations et contraintes techniques
Au Japon, des démonstrations de co-combustion d’ammoniac dans des unités thermiques ont validé des taux jusqu’à vingt pour cent de la puissance, avec suivi des paramètres d’exploitation et des émissions réglementées. D’autres travaux portent sur l’intégration dans les turbines à gaz, les procédés sidérurgiques, le maritime et la mobilité lourde. Les besoins de stockage, de manutention et de sécurité industrielle structurent les spécifications portuaires. Le cracking d’ammoniac est envisagé selon les usages finaux et la localisation des consommateurs.
La traçabilité environnementale repose sur des mesures d’intensité carbone compatibles avec les aides et les marchés carbone. La bilatéralisation des standards doit permettre d’éviter un double comptage entre la contribution aux objectifs japonais et la planification nationale indienne. Les acteurs suivent l’évolution des lignes directrices afin d’anticiper les exigences documentaires. Les décideurs orientés marchés peuvent ainsi évaluer la pertinence de ces flux au regard de leurs besoins d’approvisionnement, de couverture de risques et de conformité.