C’est une nouvelle qui pourrait largement favoriser le développement du secteur de l’éolien sur le territoire. Dans un rapport publié en mai 2022, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) livre son verdict sur l’impact de l’éolien sur l’immobilier. D’après l’organisme public, la présence d’éolienne n’influence quasiment pas sur la vente d’un bien.
L’éolienne, une infrastructure comme une autre
Selon l’ADEME, la présence d’une éolienne et son impact dans le cas d’une transaction immobilière ne serait pas flagrante. Il est expliqué que sa présence “est comparable à (celles) d’autres infrastructures industrielles.” Par exemple, l’agence la compare aux antennes téléphoniques, centrales thermiques, décharges ou encore aux lignes à haute tension.
Dans le cadre de son étude, plusieurs agents immobiliers ont été interrogés afin de connaître la perception et le retour faits par les acheteurs. Cependant, un acteur spécialisé dans la vente de bien haut de gamme a nuancé ce propos. Il déclare que la présence de l’infrastructure à proximité d’un château, manoir, d’une demeure de luxe ou d’un bâtiment remarquable peut effectivement être un frein à la vente.
De plus, une localisation à proximité, moins de 1 km, d’une éolienne peut aussi être un point contraignant pour la transaction immobilière. Cependant, selon l’article L. 515-44 du Code de l’environnement, cette disposition est rare à cause de la législation. En outre, la distance minimale entre un mât éolien et une habitation est de 500 m quelle que soit la taille de la commune.
Le symbole politique de l’éolien
Par ailleurs, si la situation des éoliennes est similaire à celle d’autres infrastructures, le rejet de certains riverains n’a pas toujours existé. Le rapport prône l’exemple d’une affiche de campagne de François Mitterrand lors de la présidentielle de 1965. Un pylône électrique prônait alors fièrement derrière l’homme politique.
Pourtant, pour la victoire de ce dernier en 1981, l’ancien président avait échangé cette infrastructure pour un panorama de village. Si “l’image liée à une infrastructure peut évoluer au cours du temps”, la publication nuance cependant ce propos :
“Une illustration particulièrement éloquente du caractère dynamique de la charge symbolique que peuvent avoir ces infrastructures se trouve dans la comparaison des affiches de campagne de François Mitterrand qui posait en 1965 devant un pylône électrique sous le slogan « Pour une France Moderne » avant de poser en 1981 devant un village et de son clocher sous le slogan bien connu « La force tranquille ».[…] L’interprétation de ce basculement doit néanmoins être tempérée dans la mesure où en 1981 Valéry Giscard d’Estaing posait, lui, devant une installation électrique précisément. Cela pourrait donc suggérer que ce qui a changé est moins l’image de l’installation électrique au cours du temps que la polarisation politique de la symbolique industrielle.”
Plus récemment, l’élection présidentielle de 2022 avait permis d’observer un clivage droite-gauche sur la question de l’éolien. Pour des problématiques de pollutions visuelles, les candidats positionnés à droite s’étaient montrés plutôt défavorables, voire opposés, à l’installation d’éoliennes. À l’exception du candidat communiste, Fabien Roussel, les prétendants de gauche s’étaient tous montrés largement favorables à l’expansion de l’éolien. Le président réélu Emmanuel Macron, lui, s’était montré plus mesuré sur cette question, même s’il a mis en avant le développement de l’éolien offshore.
Un défi sociologique et générationnel
À l’été 2021, l’ADEME avait publié un sondage HARRIS pour mettre en perspective les appréciations des Français envers l’éolien. Ce sondage permettait d’observer une rupture générationnelle autour de l’éolien. En outre, 88% des moins de 35 ans ont une bonne image de l’éolien alors que 47% des 65 ans et plus en ont une mauvaise image.
Par ailleurs, il semblerait que l’image des parcs éoliens ne fasse pas réellement débat chez les personnes habitants à proximité. Ainsi, 80% des personnes ayant une résidence principale ou secondaire à moins de 10 km d’un site en ont une bonne image. Parmi les riverains proches d’infrastructures concernées, 89% jugent que le développement de l’éolien est nécessaire.
Cet attachement fort à une évaluation favorable du secteur concorde alors avec les observations du rapport de mai 2022. De plus, l’ADEME met le doigt sur l’aspect subjectif d’une transaction immobilière. Pour 90 % des maisons vendues entre 2015 et 2020, l’impact de l’éolien est nul ou très faible pour les 10 % restants. Ainsi, l’organisme décrit ceci comme un facteur d’achat faible comparé à d’autres critères plus subjectifs :
“La valorisation d’un bien immobilier n’est pas une science exacte. De plus, le prix de transaction d’un bien donné dépend, certes, de ses caractéristiques, mais aussi des goûts, des contraintes ou des caractères des vendeurs comme des acheteurs, ou encore d’effets de mode. Du fait de cette variabilité, l’expertise immobilière, qui porte sur la valeur vénale des biens à elle-même une marge d’appréciation. Cette marge est de l’ordre de +5 à 10 % dans un marché actif et peut aller jusqu’à + 20 % dans un marché peu actif (faible demande ou biens spécifiques). Faisant écho à ces considérations, l’écart-type moyen du prix par m2 dans les communes du groupe traité est de 32% du prix par m2 moyen.”
Une réticence liée à l’actualité ?
Dans le rapport, le lien entre actualité et tolérance est fait au travers des problématiques soulevées par “certains médias”. L’ADEME souligne “une quantité de données d’entrée trop faible, ou d’un biais de non-représentativité du marché” qui ne permettait d’apporter aucune conclusion sur l’impact de l’éolien par rapport au secteur immobilier. Le rapport met notamment en avant une certaine désinformation, il déclare :
“Une première conséquence qualitative de cette marge d’appréciation est que si l’éolien avait un impact négatif systématique de l’ordre de 20 % comme il arrive de le lire dans certains médias, cela serait largement confirmé et observé par les professionnels de l’immobilier sur le terrain. Le fait que la question ne relève pas d’une évidence pour l’ensemble de la profession suffit a priori pour caractériser le caractère irréaliste de tels propos.”
De plus, sans que cela ne soit directement issu du débat médiatique, l’ADEME pointe du doigt une “ dimension sociologique très marquée”. Par exemple, l’accident de Fukushima en 2011 aurait fait baisser la valeur des biens à près de -2,3% jusqu’à presque -10% en Suisse et en Allemagne. Cependant, cette catastrophe n’a eu aucune répercussion sur d’autres pays disposant d’un réseau électrique en partie basé sur le nucléaire.
De cette manière, un sondage Opinion Way réalisé pour Sites et Monuments en mars 2022 montre un constat sociologique flagrant. Selon l’association, 77% des Français de plus de 18 ans pensent que l’éolien a un impact négatif sur la vente immobilière. Cette croyance est d’autant plus présente chez les 65 ans et plus (92%), les habitants des communes rurales (79%) et les inactifs (83%).
Les nuisances de l’éolien
Pour cause, les principales accusations faites aux éoliennes sont les nuisances visuelles ou sonores dont elles seraient coupables. Pour ce qui est des nuisances visuelles, 72% des Français questionnés par Opinion Way pensent que cela nuit à la qualité des paysages. Cependant, seulement 23% des interrogés considèrent que cela peut être très négatif à la qualité de vie dans les villages proches.
Autre préoccupation, les nuisances sonores sont également au centre du débat. Néanmoins, l’ADEME communique qu’uniquement 7% des riverains entendent les éoliennes depuis leur domicile. D’autant plus, parmi les personnes habitant à moins de 1km des infrastructures, 60% déclarent ne pas entendre ces dernières. En lien avec ces nuisances, le Syndicat des Énergies Renouvelables déclare ceci :
“Au niveau du rotor, le niveau de bruit est proche de 100 décibels. Au pied d’une éolienne, le niveau sonore s’élève à 55 décibels. À 500 mètres, il atteint 35 décibels, soit le bruit d’une conversation à voix basse. De plus, ces sons sont généralement couverts par le bruit du vent lui-même.”
En 2017, l’Académie nationale de médecine affirme que l’éolien n’amène pas directement à « des pathologies organiques ». Selon ces derniers, il affecte au travers de “ses nuisances sonores et surtout visuelles” les riverains situés à proximité. De plus, les problèmes d’infrasons, souvent soulignés, seraient liés à un effet nocebo décrypté par Fiona Crichton en 2015. D’après une étude, elle explique :
“Un lien de causalité entre l’exposition (aux infrasons) et les symptômes n’est indiqué par aucune preuve empirique. La recherche indique que les symptômes peuvent être expliqués par la réponse nocebo. Les problèmes de santé et les attentes négatives, créés à partir du discours social et des rapports des médias, déclencheraient le signalement des symptômes.”
Un avenir plus radieux ?
La confirmation d’un impact faible de l’éolien sur l’immobilier pourrait permettre de remobiliser les potentiels investisseurs. Dernièrement, les coûts de l’éolien français présentent des disparités entre les projets présentés à l’appel d’offres du gouvernement. Pour le Ministère de la Transition énergétique, la sous-estimation des performances des installations récentes affecte les revenus des lauréats et les coûts pour l’État.
D’autant plus, les projets éoliens pourraient ne plus avoir besoin de l’État ou de l’aide des collectivités prochainement. Le gouvernement confirmait cette dynamique en mai 2021 et la justifiait par la baisse des coûts de production de l’éolien. En 2030, ils seraient de 50€/MWh selon leurs estimations, soit en dessous du prix moyen du marché.