L’hydrogène décarboné représente une forme particulière d’hydrogène n’émettant pas de CO2. Elle peut être issue de l’électrolyse de l’eau produite à partir d’électricité renouvelable ou de biomasse (Hydrogène Vert). Elle peut également provenir des énergies fossiles avec l’utilisation des technologies de capture et de stockage du carbone (Hydrogène Bleu). Depuis quelques années, cette source d’énergie fait figure de nouvelle « rock star » de la transition énergétique.
Cet intérêt s’explique par les énormes avantages procurés par l’hydrogène en matière de réduction de CO2. Étant facilement transportable, cette molécule peut ainsi se substituer aux carburants fossiles afin de décarboner le secteur des transports. De même, l’hydrogène possède potentiellement la capacité de remplacer le gaz pour le chauffage des bâtiments. Enfin, elle peut constituer une alternative viable aux batteries afin de stocker l’électricité.
Dans ces conditions, les États se livrent une compétition croissante pour le contrôle de cette technologie. Dans le cadre de son Green New deal, l’union européenne (UE) a ainsi fortement investi dans l’hydrogène décarboné. Pourtant, l’Europe devra faire face à la concurrence de plus en plus affirmée des acteurs chinois ou japonais. Dans ce contexte, l’Europe pourra-t-elle s’imposer dans la compétition mondiale ?
Une compétition de plus en plus internationale
Depuis quelques années, l’hydrogène connaît un développement spectaculaire dans le monde. Plusieurs pays ont ainsi misé sur cette source d’énergie afin de décarboner les secteurs du transport et de l’électricité. Le Japon fut le premier en date à investir dans ce domaine avec son plan Basic Hydrogen Strategy de 2017. Ce plan a pour objectif de valoriser les ressources solaires du pays afin de produire de l’hydrogène décarboné.
Pour Tokyo, il s’agit d’un projet ambitieux visant à réduire la dépendance du Japon aux importations d’énergies fossiles. De même, la Corée du Sud a dévoilé en janvier 2019 son grand plan d’hydrogène à l’horizon 2040. Quelques mois plus tard, ce fut au tour des États-Unis d’annoncer des objectifs en matière d’hydrogène décarboné. La Californie avait quant à elle déjà voté un plan de construction de 1000 stations à hydrogène d’ici à 2030.
Enfin, sous l’impulsion de certaines provinces, la Chine s’oriente de plus en plus vers cette source d’énergie. Ainsi, en 2018, la China Hydrogen Alliance a été créée afin de coordonner les acteurs du secteur. Depuis lors, le géant pétrolier Sinopec fait figure de leader mondial dans la production d’hydrogène. Pour Pékin, cette source d’énergie représente d’ailleurs un atout indispensable pour pouvoir atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2060.
Le leadership européen dans la course à l’hydrogène décarboné
Le 8 juillet 2020, l’Europe annonçait enfin son plan de développement de l’hydrogène appelé EU Hydrogen Strategy. Ce plan a pour objectif de faire de l’UE le leader mondial du secteur. Principalement tourné vers le Green Hydrogen, il vise à déployer près de 500 GW de capacité d’électrolyse d’ici à 2050. À titre de comparaison, cette capacité n’atteint même pas les 1 GW par an à l’heure actuelle.
Pour l’UE c’est une nécessité autant environnementale qu’une opportunité industrielle.
Cette technologie représente ainsi un élément indispensable à la décarbonation de certains secteurs, comme le transport aérien ou la sidérurgie. Rappelons que sans la décarbonation de ces secteurs, il sera plus difficile pour l’Europe d’atteindre son objectif de neutralité carbone. L’hydrogène décarboné créé également des opportunités majeures au niveau industriel.
L’UE possède encore un avantage technologique dans l’hydrogène.
L’Europe est ainsi le leader mondial en matière de production d’électrolyseur avec l’Allemagne dominant 20 % des parts de marché. De même, trois firmes allemandes, Siemens, ThyssenKrupp et Sunfire, figurent parmi les entreprises les plus importantes du secteur. D’après l’Agence internationale de l’énergie, l’Europe est également la zone ayant installé le plus de capacité d’électrolyse cette année.
La montée de la concurrence chinoise dans le secteur de l’hydrogène décarboné
Bien qu’étant première au niveau des capacités installées, l’Union européenne voit la Chine rattraper une partie de son retard. Des experts estiment ainsi que l’Europe n’aurait plus que deux ou trois années d’avance sur sa rivale. Cette poussé chinoise s’explique par l’importance des économies d’échelle afin de réduire les coûts de production de l’hydrogène décarboné. Grace à son immense marché, la Chine bénéficie dès lors d’un avantage compétitif majeur face à ses concurrents européens.
Un concurrent redoutable pour l’Europe
Au niveau de l’électrolyse, l’agence Bloomberg estime que les produits chinois sont 83 % moins chers que les produits européens. Cette différence explique en grande partie le rattrapage chinois dans le domaine de l’hydrogène décarboné. Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir en raison notamment d’un mégaprojet hydrogène en Mongolie-Intérieure. Ce dernier aura une capacité de 5 GW d’électrolyse issue des énergies solaires et éoliennes et sera inauguré en 2021.
Pour donner un ordre d’idée, ce projet équivaut quasiment à lui tout seul aux capacités totales espérées de l’UE en 2024. En plus des bas coûts de production, la Chine bénéficie également d’un avantage structurel sur la production des terres rares. Pour Pékin, il s’agit d’un avantage majeur, car elle domine le secteur du raffinage et de la transformation des métaux. Or, les électrolyseurs utilisent beaucoup de métaux rares comme le lanthane, le zirconium ou le nickel.
Dans ces conditions, la Chine apparaît comme un concurrent redoutable pour l’Europe. Afin de rester compétitive, cette dernière devra donc trouver des solutions afin de baisser rapidement ses coûts de production. Sinon, les producteurs européens d’hydrogène décarboné risqueront de subir le même effondrement que l’industrie solaire au milieu des années 2000.