Le gouvernement français a formellement revu à la baisse ses ambitions de production d’hydrogène bas-carbone à l’horizon 2030-2035, entérinant un retard pris sur les objectifs initiaux. La stratégie révisée, publiée mercredi, prévoit désormais une capacité installée allant jusqu’à 4,5 gigawatts (GW) en 2030, et 8 GW en 2035, contre respectivement 6,5 GW et 10 GW fixés précédemment. Cette décision intervient dans un contexte de demande encore insuffisante et de coûts de production jugés trop élevés par les acteurs du secteur.
Révision de la stratégie et encadrement réglementaire
Le ministère de la Transition écologique, en collaboration avec le ministère de l’Industrie et de l’Énergie et le ministère des Transports, a présenté cette mise à jour dans le cadre d’un comité interministériel de l’innovation. Le document prévoit un lissage des objectifs d’installation des capacités d’électrolyse, en raison d’un développement technologique plus lent que prévu. Le gouvernement justifie cette évolution par la nécessité d’adapter le cadre réglementaire aux réalités industrielles et au rythme d’évolution du marché.
Depuis la publication de la première stratégie hydrogène en 2020, la France avait engagé 9 milliards d’euros, en partie via le programme France 2030, pour créer une filière nationale ex nihilo, soutenue par l’Union européenne. L’objectif initial consistait à favoriser la décarbonation de l’industrie lourde et à structurer un écosystème d’électrolyseurs. Plus de 150 projets ont été financés à ce jour, avec un objectif de 8 000 emplois directs d’ici 2030.
Réactions du secteur et enjeux de compétitivité
Les acteurs industriels accueillent cette actualisation avec un mélange de réalisme et de vigilance. Philippe Boucly, président de France Hydrogène, salue l’annonce, estimant que la révision offre enfin un cadre d’action clair attendu depuis près de deux ans. Il souligne néanmoins que l’objectif de 8 GW pour 2035 ne doit pas constituer un plafond rigide. Matthieu Guesné, président-directeur général de Lhyfe, affirme que cette nouvelle feuille de route permettra de sécuriser les investissements nécessaires, à condition que les soutiens publics soient effectivement mobilisés.
Plus critiques, certains observateurs jugent que la France manque d’ambition. Pierre-Etienne Franc, directeur général du fonds d’investissement Hy24, reproche au gouvernement de formaliser un retard au lieu de le rattraper. Il cite le cas de l’Espagne, qui a déjà validé 1,8 GW de soutien public, contre 200 mégawatts attendus en France cette année. Selon lui, ce retard réglementaire menace la compétitivité de l’industrie lourde, pour laquelle l’hydrogène représente une solution indispensable de décarbonation.
Le maintien de ces filières en France nécessitera une régulation plus dynamique et un engagement budgétaire cohérent afin d’éviter leur délocalisation hors d’Europe. Le secteur réclame ainsi une clarification des dispositifs d’aide et une accélération des décisions administratives pour sécuriser l’ensemble de la chaîne industrielle.