EDF et son ancien dirigeant, Henri Proglio, viennent d’être blanchis dans une affaire de favoritisme. Le procès portait sur 44 contrats de consultants conclus entre 2010 et 2016 pour un montant total de 36 millions d’euros. Ces contrats, attribués sans mise en concurrence, incluaient des prestations de « lobbying », « conseil stratégique » et « communication ». Le Parquet National Financier (PNF) avait requis deux ans de prison avec sursis et 200 000 euros d’amende contre Proglio, ainsi qu’un million d’euros d’amende contre le groupe. Cependant, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé la relaxe d’Henri Proglio et d’EDF, estimant que l’accusation n’a pas apporté la preuve d’un « dessein frauduleux ».
Les juges ont ainsi rejeté les conclusions de la Cour des comptes de 2016, qui estimaient que ces contrats de conseil avaient contourné les règles de mise en concurrence. La note de septembre 2010, rédigée par Alain Tchernonog, alors secrétaire général d’EDF, avait pour but d’encadrer le processus de recrutement des consultants. Cette directive n’a pas été jugée comme une tentative systématique de contourner les obligations légales.
Un dirigeant à la carrière marquée par les controverses
Henri Proglio est une figure influente du secteur énergétique. Avant de prendre la tête d’EDF, il a dirigé Veolia Environnement de 2003 à 2009. Son parcours est marqué par des conflits internes et des décisions stratégiques qui ont souvent divisé. Proglio a toujours soutenu que le leadership d’EDF devait primer dans la filière nucléaire, un point de vue qui a provoqué des tensions avec Anne Lauvergeon, alors PDG d’Areva. Finalement, il a obtenu l’éviction de Lauvergeon en 2011, consolidant ainsi la domination d’EDF sur le secteur.
Proglio a été nommé à la tête d’EDF par Nicolas Sarkozy. Cependant, l’élection de François Hollande en 2012 a fragilisé sa position, bien qu’il ait réussi à se maintenir grâce à ses réseaux d’influence. Cette affaire judiciaire n’est qu’un épisode dans une carrière où il a souvent été confronté à des polémiques et des suspicions. En 2015, il avait déjà dû renoncer à la présidence de Thales, après que le ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron, eut exprimé des préoccupations concernant ses relations avec Rosatom, le géant russe du nucléaire.
Une affaire aux multiples ramifications
Les accusations visaient également onze consultants, dont des personnalités comme Loïk Le Floch-Prigent, ancien dirigeant de Gaz de France, et Jean-Marie Messier, ex-PDG de Vivendi. Le PNF les accusait d’avoir bénéficié de contrats de conseil, signés sans appel d’offres, pour des montants allant de 650 000 à 1,4 million d’euros. La défense a fait valoir que les consultants n’avaient pas sciemment participé à un processus illégal.
À l’audience, le procureur financier a critiqué une « logique de fait du prince », où les choix de recrutement répondaient davantage à des préférences personnelles qu’à des besoins objectifs. Cependant, le tribunal a estimé que les consultants n’avaient pas délibérément participé à des pratiques illicites. Ce verdict marque la fin de ce chapitre judiciaire, bien que certains des prévenus restent sous le coup d’autres procédures pour des faits similaires.
Les conséquences pour la gouvernance des entreprises publiques
Cette décision met en lumière les défis auxquels les grandes entreprises publiques sont confrontées dans la gestion des contrats de conseil. EDF, tout en se réjouissant de cette relaxe, devra tirer les leçons de ce procès pour améliorer ses pratiques internes. Depuis l’enquête de la Cour des comptes, le groupe a entamé une série de réformes visant à renforcer la transparence de ses processus de passation de marchés.
Quant à Henri Proglio, bien que cette affaire soit close, il reste sous le coup d’une enquête pour des soupçons de corruption et d’abus de biens sociaux, en lien avec son cabinet de conseil créé en 2015. Les enquêteurs s’intéressent également à l’origine de 300 000 euros en espèces retrouvés dans un coffre bancaire. Cette nouvelle enquête pourrait encore ternir la réputation de Proglio, malgré sa victoire judiciaire dans le dossier actuel.