Le Greenium a longtemps été payé par les investisseurs qui souhaitaient s’emparer des rares obligations vertes. Mais la quantité record d’émissions de ces obligations est peut-être en train de changer la donne.
Le Greenium : une prime sur les projets environnementaux
En comparaison des obligations conventionnelles, celles vendues pour financer des projets environnementaux ont tendance à atteindre des prix plus élevés. C’est ce différentiel que l’on appelle Greenium. Ces obligations s’accompagnent aussi de rendements plus faibles.
Une quasi-disparition du greenium
Or ce différentiel a presque disparu en avril, sur le marché des obligations d’entreprises en euros. L’Association des Marchés Financiers en Europe a comparé les écarts de crédits entre les deux indices pour avril 2021. D’une part, l’indice d’obligations vertes, d’autre part, l’indice comparable aux obligations conventionnelles.
Le constat est sans appel. Les investisseurs n’ont payé pratiquement aucune prime pour détenir les obligations vertes au cours de ce mois. En 2020, la prime moyenne était pourtant de 9 points de base.
Une limite à l’ampleur d’une telle prime
En fonction de la méthodologie, les estimations varient, la plupart des obligations vertes n’ayant pas d’équivalent conventionnel réellement comparable. Mais tous s’accordent à dire que le greenium diminue. Banarby Martin, responsable de la stratégie de crédit chez BofA avoue :
« Il y a une sorte de limite à l’ampleur que pourrait prendre le greenium. Les investisseurs ont toujours besoin de faire des rendements. »
Un déclin à nuancer
Dans les obligations d’État et dans les secteurs des entreprises où la dette verte est rare, le greenium persiste. L’obligation verte de Daimler, par exemple, apporte un écart de crédit conséquent. Ce dernier est sept points de base plus serré qu’une obligation conventionnelle échéant la même année.
Sur le marché des obligations vertes en dollars américain, comportant moins d’obligations vertes, les emprunteurs ont obtenu un avantage tarifaire. Environ 10 points de base à l’émission depuis 2020 selon Goldman Sachs. Mais ce chiffre est en baisse par rapport aux 16 points de base évalués entre 2016 et 2019.
$193 milliards d’obligations vertes au 25 mai 2021
D’après Refinitiv, les sociétés du marché des obligations d’entreprises européennes de qualité, constituent une source majeure de financement vert. Ces dernières ont déjà levé presque autant d’argent via des obligations vertes cette année que pendant toute l’année 2020.
Au 25 mai 2021, les emprunteurs du monde entier avaient financé 193 milliards de dollars d’obligations vertes. Un record pour cette période de l’année. Si la nouvelle est bonne pour les fonds d’investissement, elle ne l’est pas pour les emprunteurs.
Réévaluer l’avantage financier des obligations vertes
Ces derniers devront certainement réévaluer l’avantage financier que représente le financement par le marché vert. Les émetteurs verts ont encore payé cette année une prime de nouvelle émission inférieure à celle des émetteurs conventionnels. Mais l’avantage tarifaire par rapport aux émissions conventionnelles a diminué de moitié comparé à 2020 selon les données d’ABN AMRO.
Refinitiv donne un autre indicateur reflétant la hausse des obligations vertes. La firme estime que les émissions vertes représentent 16 % des ventes d’obligations d’entreprises de qualité en euros cette année. C’est plus du double de l’année dernière.
Déplacement de la prime de rareté
La prime de rareté se déplacerait vers les obligations sociales et durables. Les obligations sociales financent des dépenses pour les soins de santé et l’éducation. Quant aux obligations durables, elles peuvent financer à la fois des projets sociaux et écologiques.
Ces émissions n’ayant réellement démarré qu’après l’apparition de la pandémie de Covid-19, elles sont plus rares. Depuis l’année dernière, ces obligations auraient offert aux émetteurs des primes notoires selon les estimations de Goldman. En moyenne, 20 pb à l’émission sur le marché en euros, et 36 pb en dollars américains.
Le déclin du greenium n’a donc finalement pas découragé les émetteurs. Une nouvelle encourageante pour les partisans du financement vert et pour améliorer la réputation environnementale des entreprises. L’avènement des obligations sociales et durables sur le marché financier, quant à lui, apporte de nouveaux enjeux pour ces sociétés.