Le Gazoduc Maghreb Europe (GME) arrivera aux termes de son contrat le 31 octobre 2021. Or les relations diplomatiques détériorées entre l’Algérie et le Maroc laissent planer le doute sur la reconduction de l’accord de transit de gaz. L’institut d’Oxford pour les études énergétiques publie son analyse.
Le Gazoduc Maghreb Europe remplacé par le MEDGAZ
Le Gazoduc Maghreb Europe (GME) mis en service en 1996, alimente en gaz algérien la péninsule ibérique, en passant par le Maroc et le détroit Gibraltar. D’une durée de 25 ans, le contrat qui permettait l’utilisation du gazoduc touche à sa fin. Or aucune certitude ne permet d’assurer son renouvellement depuis que les relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc sont rompues.
Pour l’heure, l’Algérie se dit capable d’assurer le transit gazier vers l’Espagne sans le GME. Elle assure en effet pouvoir s’appuyer sur le MEDGAZ, un gazoduc direct entre l’Algérie et l’Espagne. En revanche, le Maroc, n’aurait pas d’alternatives directes face à la fin de l’approvisionnement en gaz algérien. Par conséquent, et malgré les relations tendus avec son voisin, le pays souhaite renouveler l’accord de transit.
Des conséquences moindres pour l’Europe
Les gazoducs algériens totalisent une capacité d’exportation totale d’environ 20 milliards de mètre cubes (Gm3) par an. 12 Gm3 pour le GME, et 8 Gm3 pour le MEDGAZ, bientôt 10,5 Gm3 en raison d’une extension prévue pour novembre 2021. La capacité totale d’exportation vers l’Espagne serait donc de 22 Gm3.
Cependant, les gazoducs ne sont pas exploités en pleine capacité. L’Algérie n’exportant que 11,5 Gm3 par an vers l’Espagne et le Portugal. Ce volume représente environ un tiers des importations totales de gaz des deux pays en 2020. En revanche, cela ne représente que 4% des volumes d’importations totales de gaz de l’Europe. L’impact d’un non-renouvellement de l’accord de transit par le GME est donc limité à l’échelle européenne.
Un désintérêt européen pour le gaz ?
Les problèmes de renouvellement du contrat pour le transit gazier entre le Maghreb et l’Europe ne sont pas isolés. L’institut d’Oxford explique d’une part que l’importance grandissante de la question climatique ralentit la volonté de conserver le gaz en Europe. L’Union Européenne prévoit en ce sens une réduction significative de la demande intérieure de gaz pour répondre à ses objectifs de décarbonation.
Une donnée à mettre en perspective avec la flambée du prix du gaz de ces derniers mois. Celle-ci rappelant que, malgré les nouvelles contraintes écologiques, les États rechignent à abandonner cette source d’énergie fiable.
D’autre part, le défi du transit du gaz GME se pose dans le contexte d’un commerce international beaucoup plus étendu et flexible de gaz naturel liquéfié (GNL).
Enfin également, les gazoducs déjà développés rencontrent des difficultés à s’acquitter des termes du contrats. À titre d’exemple, le West West African Gas Pipeline mis en service en 2009 n’a jamais honoré ses obligations. Le Nigéria a échouant à approvisionner le Ghana dans les quantités stipulées.
Les gazoducs transfrontaliers, point de tension géopolitique
Les oléoducs transfrontaliers interrégionaux, tels que le GME, sont très difficiles à développer. Ils nécessitent des engagements politiques et commerciaux à long terme. Or plusieurs cas démontrent les difficultés de maintenir des relations stables.
La construction du MEDGAZ repose par exemple sur la volonté de l’Algérie de contourner le transit gazier par le Maroc. Dans le même ordre d’idée, le Nord Stream 2 bientôt opérationnel contourne le transit de gaz russe vers l’Europe par l’Ukraine.
La question des gazoducs frontaliers est donc au cœur des relations internationales. Des ajustements stratégiques et durables à ces enjeux commerciaux devront être envisagés. Et ce, dans le contexte à plus long terme de transition énergétique. En sachant que les perspectives de niveaux de demande de gaz naturel s’amoindrissent, notamment en Europe.