Patrick Kulsen d’Insights Global s’est exprimé pour Reuters en marge d’une conférence à Amsterdam ce mardi. Il a ainsi déclaré que les niveaux des taux stockage européens de gasoil avaient récemment atteint un niveau record. Les stocks de gasoil comprennent le diesel et le fioul domestique.
Un contexte historique
L’Europe est aujourd’hui confrontée à la perspective d’une pénurie d’approvisionnement en diesel. Les sanctions imposées à la Russie, principal fournisseur de diesel et de carburants connexes en Europe, ont aggravé une situation d’approvisionnement en diesel déjà tendue.
La disponibilité limitée a poussé l’écart du diesel européen LGOc1-LGOc7 dans une forte dépréciation. L’écart atteint en effet des sommets historiques depuis le début du mois. Il en résulte une augmentation conséquente des prix du gasoil à court terme.
Une telle augmentation est susceptible de provoquer des mouvements sur le marché international de l’énergie. Nous pouvons ainsi citer le phénomène de « déportation », capable d’influer grandement les taux de stockage du gasoil.
Le phénomène de déportation du gasoil
La déportation signifie que les prix immédiats sont plus élevés que les prix contractuels futurs. Cela reflète la demande à court terme, qui encourage les négociants à libérer des stocks de pétrole pour les vendre. La structure du marché a donc contraint les sociétés de stockage à proposer des tarifs plus bas pour encourager l’activité.
De plus, les sociétés de stockage sont confrontées à une pression supplémentaire. Celle-ci est due aux nouvelles capacités de stockage à venir. En effet, à titre d’exemple, le terminal de stockage HES Martel dans le port de Rotterdam doit être opérationnel au cours de l’année.
Ce terminal offrira une capacité de stockage de 1,3 million de mètres cubes pour le gasoil notamment. BP se connectera au nouveau terminal par pipeline à partir de sa raffinerie de Rotterdam, d’une capacité de 377 000 barils par jour, ce qui réduira la demande de BP pour des installations de stockage ailleurs.
La situation en Russie
Outre le phénomène de déportation que nous venons d’évoquer, nous devons analyser le phénomène dans son ensemble. Ainsi, nous pouvons prendre l’exemple de l’opérateur russe Transneft. Selon des sources anonymes, Transneft a informé plusieurs sociétés pétrolières russes qu’il allait limiter les entrées en raison des volumes élevés de pétrole stocké. Ces stocks affectent ainsi la flexibilité du marché et menacent les opérations normales.
Ces restrictions concerneraient principalement le pétrole n’ayant pas encore trouvé d’acheteurs. En effet, les acheteurs se sont détournés du pétrole russe ces dernières semaines en raison des sanctions occidentales.
La Russie dispose d’une capacité de stockage de brut limitée, nettement inférieure à celle des États-Unis et de l’Arabie saoudite. De plus, Transneft indique que son système n’est pas conçu pour stocker du brut. Son stockage en réservoir est plutôt utilisé dans le cadre du fonctionnement technique du réseau.
Un déséquilibre dans les stocks mondiaux de gasoil
Ainsi sur la base de ces éléments, il existe aujourd’hui un véritable déséquilibre dans la répartition des stocks de pétroles mondiaux. En effet, en Europe, nous avons vu que les taux de stockage sont extrêmement bas en raison des prix élevés du gasoil et du risque de pénurie. Le phénomène de déportation influe lui aussi sur ces taux. Le niveau des stocks est donc actuellement au plus bas en Europe.
En Russie à l’inverse, les stocks semblent voir leur capacité dépassée par la quantité à gérer. En effet, l’aversion des acheteurs occidentaux pour les ressources naturelles russes complique la vente.
Nous pouvons donc observer des situations diamétralement opposées entre l’Europe et la Russie. En effet, tandis que l’Europe est confrontée à une réduction importante des stocks disponibles, la Russie dispose de trop grande quantité de gasoil vis-à-vis de sa production.