Le projet de loi sur l’accélération du nucléaire est examiné cette semaine à l’Assemblée nationale, qui a quatre jours pour étudier les 650 amendements de ce texte destiné à faciliter la construction de nouveaux réacteurs en France. Le gouvernement espère une adoption sans trop de difficultés en première lecture, après le très large vote du Sénat fin janvier. Cependant, la réforme de la sûreté nucléaire proposée par le gouvernement suscite des protestations jusque dans la majorité. Les syndicats de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sont contre cette réforme, tout comme les députés de la coalition de gauche Nupes.
Une réforme de la sûreté nucléaire controversée
Le projet de loi vise à simplifier les procédures administratives pour la construction de nouveaux réacteurs. Limité à de nouvelles installations situées sur des sites nucléaires existants ou à proximité, le projet de loi permettrait de ne pas ajouter un délai de deux à trois années à la construction d’un réacteur. Le gouvernement souhaite construire six nouveaux EPR d’ici 2035, et les deux prochains seraient implantés à Penly, suivis de deux autres à Gravelines (Nord).
La réforme de la sûreté nucléaire, ajoutée par le gouvernement via un simple amendement, suscite l’ire des syndicats de l’IRSN comme de l’ASN, de la gauche, et des protestations jusque dans la majorité. L’intersyndicale de l’Institut organise une nouvelle journée de grève lundi. Ce projet de « fusion » est « incompréhensible », dénoncent les députés de la coalition de gauche Nupes, qui jugent « essentiel de maintenir une indépendance entre la fonction de régulateur (ASN) et celle d’expertise (IRSN) ».
Les arguments pour et contre le nucléaire
Le gouvernement mise sur le traditionnel soutien de la droite à l’atome pour une adoption sans trop de difficultés en première lecture. Les opposants au nucléaire, EELV et LFI, comptent s’appuyer sur deux événements récents pour enflammer les débats: la fissure « importante » révélée dans la tuyauterie d’un réacteur de la centrale de Penly (Seine-Maritime), et la disparition annoncée de l’IRSN que l’exécutif veut fondre dans l’ASN, le gendarme des centrales. Cependant, l’adhésion au nucléaire a nettement gagné du terrain dans les enquêtes d’opinion, en pleine crise énergétique. La rapporteure Maud Bregeon plaide pour ne plus avoir le nucléaire honteux car il va nous permettre d’atteindre la neutralité carbone et une meilleure souveraineté énergétique.
Les opposants à cette stratégie énergétique ne cachent pas leur mécontentement face à la démarche du gouvernement, qu’ils considèrent comme étant un « saucissonnage » des textes énergétiques. Greenpeace, l’ONG anti-nucléaire, estime que le projet de loi n’est pas viable et a récemment accusé la filière nucléaire française d’être « sous emprise » russe, en raison de la livraison persistante d’uranium de retraitement russe et des importations d’uranium naturel en provenance du Kazakhstan et d’Ouzbékistan.
Le parc nucléaire français : des fermetures de réacteurs annulées et une proportion en baisse
La France avait initialement prévu de fermer 14 de ses 58 réacteurs en 2015, mais le président Emmanuel Macron a annoncé un revirement en faveur d’une relance de l’énergie nucléaire. Toutefois, la proportion de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité est en baisse. Elle représentait environ 70% en temps normal, mais en raison des arrêts pour corrosion et de la faible disponibilité du parc nucléaire, cette proportion s’est établie à 63% seulement en 2022. Un troisième projet de loi plus politique, de programmation pluriannuelle, est attendu cet été pour fixer des objectifs à atteindre pour chaque énergie. Cette question énergétique est donc loin d’être résolue, et les débats s’annoncent houleux au sein de l’Assemblée nationale.