Emmanuel Macron a proposé mardi un pacte de décarbonation aux industriels les plus émetteurs de CO2 en France avec un doublement de l’aide publique à 10 milliards d’euros en échange d’un
doublement de leur effort en la matière.
“Si des projets et des sites sont identifiés d’ici à 18 mois, si vous doublez vos efforts, si on arrive à passer des 10 millions de tonnes de CO2 évités à 20 millions instruits, nous doublerons les moyens consacrés à cet enjeu et passerons l’enveloppe de 5 à 10 milliards d’euros d’accompagnement”, a lancé le chef de l’Etat aux industriels réunis à l’Elysée.
Pour arriver à cet effort, le chef de l’Etat, tout juste de retour de la conférence mondiale sur le climat (COP27) à Charm el-Cheikh en Egypte, a aussi annoncé que le gouvernement allait dérouler une planification précise à six mois et dans les années à venir, “filière par filière”.
Ciment, aluminium, acier, engrais, sucre ou carburants: les dirigeants des cinquante sites industriels français les plus émetteurs de CO2, dont le Pdg de TotalEnergies Patrick Pouyanné, ont été reçus dans la salle des fêtes de l’Elysée.
A eux seuls, ces 50 sites représentent 30.000 emplois et la moitié des émissions de l’industrie, soit 10% des émissions du pays. “Le but c’est de diminuer par deux les émissions de gaz à effet de serre de ces sites en dix ans, donc d’enlever 5% des émissions françaises”, explique-t-on à l’Elysée.
Ce sont les sites sidérurgiques d’Arcelor Mittal à Dunkerque ou Fos-sur-Mer, les cimenteries de Vicat, Lafarge ou Calcia, des usines chimiques du Grand Est, de l’étang de Berre ou de Normandie, les fabricants d’engrais Yara ou Borealis, la verrerie d’Arcques, les raffineries d’ExxonMobil et TotalEnergies en Normandie, Air Liquide en région PACA, ou les sites de production de sucre de Tereos et Cristal Union dans le nord de la France.
Emmanuel Macron a insisté sur sa volonté d’accélérer la lutte contre le changement climatique, après un premier quinquennat jugé trop timoré en la matière par les spécialistes de l’environnement. Mais aussi de réindustrialiser. “La décarbonation c’est un des éléments qui doivent nous permettre à
continuer de créer de l’emploi industriel”, a-t-il souligné.
Pas amical
Le chef de l’Etat a surtout pointé la concurrence exacerbée de puissances économiques comme les Etats-Unis qui promettent des subventions publiques massives pour la décarbonation, avec un risque de désindustrialisation si les Européens ne suivent pas.
“Les Etats-Unis sont producteurs d’un gaz peu cher qu’ils vendent cher, et en plus ont pris des dispositifs d’aides massives sur certains secteurs”, a-t-il dit.
“Ce n’est pas conforme aux règles de l’OMC et ce n’est pas amical”, a-t-il insisté en promettant de mettre le sujet sur la table lors de sa visite d’Etat début décembre à Washington.
S’adressant aux industriels, il a demandé que des “contrats de transition écologique” soient signés pour graver dans le marbre les efforts promis, site par site, et filière par filière aussi, sous l’égide du ministre de l’Industrie.
“Nous mettrons en ligne la carte de France des 50 sites” les plus émetteurs de CO2 pour suivre les progrès, a-t-il promis devant une carte de France géante montrant les émissions, où se distinguent le nord de la France avec 12 millions de tonnes de CO2 émises, suivie par le bassin de Marseille-Fos avec
un peu plus de 10 millions de tonnes de CO2, et l’embouchure de la Seine en Normandie.
Les cinq milliards d’euros supplémentaires annoncés mardi s’ajoutent aux 5 milliards déjà prévus dans le plan France Relance pour la décarbonation de l’industrie. Par ailleurs, la France a aussi prévu neuf milliards d’euros d’investissement pour le développement de l’hydrogène, qui est un des vecteurs puissants de la décarbonation de l’industrie.
Il faut “sous six mois que le gouvernement puisse présenter un plan pour intégrer” ces montants “dans les travaux de programmation pluriannuelle de l’énergie”, a précisé le président.
La planification devra se faire “par technologie”, a-t-il dit en évoquant aussi bien l’hydrogène – qui sera utilisé notamment par la sidérurgie en remplacement du charbon -, le développement de la biomasse pour remplacer le gaz, l’électrification des ports maritimes et fluviaux pour l’acheminement des marchandises, ou la capture et la réutilisation du co2.
Lors de différentes présentations, les industriels présents ont de leur côté beaucoup insisté pour avoir accès à une source d’électricité “stable” et “massive”, alors que les déboires techniques d’EDF dans ses centrales nucléaires sont encore loin d’être résolus.