Pour faciliter la construction de nouveaux réacteurs, le Parlement a définitivement adopté mardi le projet de loi de relance du nucléaire, par un ultime vote de l’Assemblée nationale, où la cause de l’atome gagne du terrain. Une semaine après un large soutien du Sénat, les députés ont voté le texte par 399 voix contre 100, avec une coalition de voix du camp présidentiel, de LR, du RN et de communistes.
Seuls les groupes écologiste et LFI ont voté contre. Le PS, qui s’était opposé au texte en première lecture, s’est cette fois abstenu, après avoir décrit le nucléaire comme une « énergie de transition » vers les renouvelables. La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher vante un « texte majeur » pour « produire une énergie indépendante, compétitive et décarbonée », et appelle de ses voeux un « consensus politique » en matière énergétique. Dans la matinée, elle avait réuni à Paris une quinzaine de représentants de pays européens pro-nucléaires, afin de peser dans la « stratégie énergétique » de l’Union européenne.
Technique, le projet de loi français simplifie les démarches afin de concrétiser l’ambition d’Emmanuel Macron de bâtir six nouveaux réacteurs EPR à l’horizon 2035, et de lancer des études pour huit autres. Il concerne les nouvelles installations situées dans des sites nucléaires existants ou à proximité, comme à Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Nord)…
Dans le sillage du Sénat, les parlementaires ont levé un verrou introduit en 2015 sous François Hollande, et déjà modifié sous Emmanuel Macron. Le texte supprime ainsi l’objectif d’une réduction à 50% de la part de l’énergie nucléaire dans le mix électrique français d’ici à 2035 (initialement 2025), tout comme le plafond de 63,2 gigawatts de capacité totale de production nucléaire autorisée. Au grand dam des opposants au nucléaire, il prend de vitesse la future loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, attendue au mieux cet été.
« Tout a été fait dans le désordre. (…) Seule cette loi de programmation pourrait décider de la relance ou non du nucléaire », s’est indigné l’Insoumis Maxime Laisney. L’ONG Greenpeace et le réseau Sortir du nucléaire n’ont pas manqué de protester: « le gouvernement met donc la charrue avant les boeufs et acte une relance à marche forcée », dénoncent-ils.
« Bataille culturelle »
Autre point sensible, le texte durcit les sanctions en cas d’intrusion dans les centrales, avec une peine portée d’un à deux ans de prison et de 15.000 à 30.000 euros d’amende. A l’Assemblée, écologistes et LFI ont ferraillé contre le projet de loi, en insistant sur les « tonnes de déchets » du nucléaire, et sur la fissure importante sur un circuit de secours d’un réacteur de Penly, annoncée début mars.
Julie Laernoes (EELV) a dénoncé le « matraquage effréné pour faire oublier à la population les dangers du nucléaire et ses déboires technologiques et financiers » Insoumis et Verts promettent un recours devant le Conseil constitutionnel. Les deux partis militent pour une sortie de l’atome et le passage à 100% d’énergies renouvelables à partir de 2045.
Mais douze ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon, les écolos reconnaissent avoir perdu du terrain dans leur « bataille culturelle » contre l’atome, à l’image des sondages qui montrent une adhésion grandissante au nucléaire. A l’Assemblée, une commission d’enquête parlementaire menée par le LR Raphaël Schellenberger et le macroniste Antoine Armand, ouvertement pro-nucléaires, a pointé du doigt une « divagation politique » depuis trente ans sur les questions énergétiques.
Face à l’urgence climatique, et après les craintes de coupures de courant cet hiver sur fond de guerre en Ukraine, « il ne faut plus avoir le nucléaire honteux », plaide la députée Renaissance Maud Bregeon, ancienne d’EDF et rapporteure du projet de loi. A droite, les LR soutiennent le texte tout en critiquant « le tête-à-queue spectaculaire » d’Emmanuel Macron sur la question.
Comme prévu, les parlementaires n’ont pas réintroduit la réforme controversée de la sûreté nucléaire voulue par le gouvernement. Mais l’exécutif juge toujours nécessaire de fondre l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique, au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales, malgré les protestations des syndicats.
Et en commission mixte paritaire, députés et sénateurs ont enlevé un amendement voté à l’Assemblée qui visait à empêcher toute fusion en garantissant une organisation duale entre IRSN et ASN. Ce texte sur le nucléaire fait suite à une loi d’accélération des énergies renouvelables, adoptée en février.