Au cœur de l’affaire se trouvent 44 contrats passés de gré à gré, pour des montants allant de 40 000 à 4 millions d’euros, avec des consultants issus de divers secteurs — avocats, journalistes, anciens dirigeants d’entreprises, et experts en communication. Les missions attribuées incluaient du conseil stratégique, de la gestion de crise, du lobbying, ainsi que des prestations de communication. La plupart de ces contrats ont été conclus sous la direction d’Henri Proglio, à un moment où EDF cherchait à affiner sa stratégie dans un environnement concurrentiel complexe.
Pour le PNF, ces engagements auraient dû faire l’objet d’une procédure de mise en concurrence, conformément aux règles de passation de marché pour une entreprise ayant un statut semi-public. Le tribunal a cependant estimé que « l’intention délictueuse » n’était pas prouvée, relaxant ainsi Henri Proglio et l’ensemble des autres prévenus, dont certains bénéficiaient de positions influentes dans le monde de l’énergie et des médias, comme Loïk Le Floch-Prigent, ancien PDG de Gaz de France, ou encore Jean-Marie Messier, ex-président de Vivendi.
Le PNF critique la gestion des marchés publics
L’appel du PNF repose sur la conviction que la gestion des marchés publics d’EDF s’est opérée en dehors du cadre réglementaire, entraînant un risque de dérive sur les fonds alloués. Ces contrats, attribués sans appel d’offres, posent des questions sur la transparence de l’utilisation des ressources financières dans les grandes entreprises françaises où l’État est actionnaire. Selon l’accusation, ces pratiques sont contraires aux règles en vigueur pour les marchés publics et peuvent nuire à la concurrence dans le secteur.
La décision de faire appel traduit une volonté de renforcer la surveillance des grandes entreprises publiques ou semi-publiques en matière de conformité aux normes de gouvernance. L’objectif du PNF est d’établir des responsabilités claires sur la gestion de ces contrats, particulièrement dans des périodes de transition économique où la maîtrise des coûts devient cruciale pour la compétitivité de ces groupes.
Les personnalités impliquées dans l’affaire
Les consultants relaxés aux côtés d’Henri Proglio comptent plusieurs figures notables, comme le criminologue Alain Bauer ou encore l’ancien dirigeant de la SNCF, Loïk Le Floch-Prigent. Ces personnalités ont bénéficié de contrats de conseil dans des domaines variés, souvent liés à la gestion de risques ou à la stratégie de communication. Le tribunal a souligné que les missions étaient légitimes et que l’absence de preuve d’intention de contourner les règles rendait impossible une condamnation pour favoritisme.
L’affaire, qui remonte à une décennie, s’inscrit dans un contexte plus large de questionnements sur la gestion des contrats au sein des entreprises où l’État détient une participation significative. EDF, en tant que groupe stratégique dans le secteur énergétique français, fait régulièrement l’objet de contrôles rigoureux de la part des autorités, notamment en matière de transparence des pratiques contractuelles et de conformité à la réglementation.
Vers une nouvelle évaluation judiciaire
L’appel du PNF ouvre la voie à un nouveau procès qui pourrait durer plusieurs années, et où la stratégie de défense d’EDF et d’Henri Proglio sera scrutée de près. Ce dernier, qui avait dirigé le groupe de 2009 à 2014, avait mis en place un dispositif visant à standardiser le recours aux consultants dans des domaines spécifiques, estimant que cette approche optimisait la réactivité de l’entreprise face aux défis réglementaires et concurrentiels.
Si l’appel aboutit, cela pourrait signifier un durcissement de la jurisprudence sur les pratiques de gestion des grandes entreprises semi-publiques, avec un impact sur les politiques de passation de marché. Le jugement initial avait notamment mis en avant le caractère non systématique de la mise en concurrence des consultants, ce qui pourrait, selon le PNF, ouvrir la porte à des abus de position de la part de certains cadres dirigeants.
L’issue de cette affaire sera observée de près par les professionnels du secteur de l’énergie et les régulateurs, car elle pourrait influencer la manière dont les grandes entreprises du secteur traitent les relations contractuelles et le recrutement de prestataires externes dans un contexte de complexification croissante des marchés.