Le fonds allemand Enkraft Capital, détenteur de plus de 4 % du capital d’ABO Energy GmbH & Co. KGaA, a adressé une lettre formelle à la direction du développeur d’énergies renouvelables pour demander un encadrement strict du processus de cession de contrôle actuellement piloté par les actionnaires fondateurs. Cette initiative intervient alors que l’entreprise, cotée en Freiverkehr sur Xetra et m:access, ne relève pas des obligations classiques d’offre publique prévues par la loi allemande sur les offres publiques d’acquisition (WpÜG).
Une structure juridique défavorable aux minoritaires
La transformation d’ABO Energy en Kommanditgesellschaft auf Aktien (KGaA) en 2023, validée à 87 % lors de l’assemblée générale, confère aux fondateurs – les familles Ahn et Bockholt – un pouvoir renforcé via leur statut d’associés commandités. Cette configuration limite considérablement l’influence du flottant, qui représente environ 38 % du capital, sur les décisions stratégiques, même en cas de dilution partielle des blocs familiaux. Le flottant ne bénéficie par ailleurs d’aucune garantie d’offre publique en cas de transfert de contrôle.
Enkraft, connu pour ses campagnes activistes dans le secteur de l’énergie, notamment chez RWE, conteste l’opacité du processus en cours. Dans sa lettre du 5 novembre, le fonds affirme que la direction d’ABO Energy, en engageant une banque conseil (Bankhaus Metzler) et en mettant en place une data room, doit se conformer à un devoir fiduciaire vis-à-vis de l’ensemble des actionnaires.
Enjeux de gouvernance autour de la prime de contrôle
Le cœur du différend réside dans la distribution de la prime de contrôle. Enkraft soutient que toute information sensible partagée avec un acquéreur potentiel doit bénéficier équitablement à l’ensemble des actionnaires et non uniquement aux familles fondatrices. Le fonds demande que soit envisagée une offre publique volontaire ou un mécanisme équivalent permettant au flottant de sortir à un prix aligné sur celui du bloc majoritaire.
ABO Energy affiche un chiffre d’affaires 2024 de 446 M€ pour un résultat net de 25,6 M€, avec un pipeline de développement de 34 GW réparti sur plus de 15 pays. L’entreprise se finance par des émissions obligataires (notamment un green bond 2024/29 à 7,75 %) et des crédits syndiqués, incluant une participation de la banque publique allemande KfW.
Un précédent pour le marché des mid-caps renouvelables
La manière dont ABO Energy traitera cette opération pourrait devenir un cas de référence pour d’autres sociétés de taille intermédiaire du secteur des énergies renouvelables combinant structure KGaA et cotation sur marché non réglementé. La pression exercée par Enkraft vise à faire émerger des standards de bonne conduite même en l’absence d’obligations légales strictes.
L’issue du contentieux est suivie de près par les investisseurs institutionnels, dont Mainova AG, actionnaire à hauteur de 10 %, ainsi que par les créanciers de la société. Un audit spécial demandé par Enkraft sur les conditions du changement de forme juridique reste en attente devant le tribunal de Francfort, et d’éventuelles actions supplémentaires ne sont pas exclues.
Impact potentiel sur la stratégie de financement
Les obligations contractées récemment incluent des clauses de conformité aux normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), qui pourraient être remises en question si le processus de vente était perçu comme injuste. Une dégradation de la gouvernance pourrait accroître les marges exigées par les investisseurs obligataires et compliquer l’accès à de nouveaux financements.
Face à ces tensions, des analystes évoquent la possibilité d’un retour à une forme juridique plus classique, comme une Aktiengesellschaft (AG), et d’un passage à un segment réglementé, condition potentielle pour attirer un investisseur institutionnel à long terme.