À deux semaines du premier tour, les candidats sont divisés quant aux projets à mettre en œuvre en matière d’énergie. Le climat, et par conséquent l’énergie, sera un enjeu clé du quinquennat à venir. Pourtant, ce dernier pèse très peu dans les débats. Par exemple, le dernier rapport du GIEC, publié fin février, est presque passé inaperçu.
Ainsi, le Syndicat des énergies renouvelables (SER), en partenariat avec PIPOLE, média de société sur Twitch, a organisé une matinale, diffusée en live sur Twitch, pour débattre de ces questions. La matinale, diffusée le 22 mars et disponible sur YouTube, a convié cinq porte-parole en charge des volets énergie et climat.
Parmi les 12 candidats à la présidentielle 2022, cinq se sont prêtés au jeu. On retrouve alors Anthony Cellier pour Emmanuel Macron (LREM), Delphine Batho pour Yannick Jadot (EELV), Yann Wehrling pour représenter Valérie Pécresse (LR), Amar Bellal pour Fabien Roussel (PCF) et, enfin, Jean-Marie Brom pour Jean-Luc Mélanchon (LFI).
Tous ont eu l’occasion de présenter les propositions de leur candidat avant de s’attaquer à trois exercices : une séquence de « oui ou non » en réponse à une série de questions clés, une séquence de réaction face à une de presse et un « temps additionnel » pour répondre à des questions posées par les twitcheurs.
Les multiples enjeux autour de l’énergie
Alexandre Roesch, directeur général du SER, était présent pour cette matinale. En guise d’introduction, il souligne trois enjeux majeurs.
D’abord, il met en avant le besoin d’abaisser notre consommation d’énergie et donc la nécessite de faire des choix de société. Aussi, il est important d’aborder la question de la chaleur qui représente, aujourd’hui, 45 % de la consommation énergétique en France. Or, celle-ci est encore très carbonée puisqu’elle est produite, à hauteur de 77 %, à partir des énergies fossiles.
Ensuite, il évoque la question des transports. 90 % des transports fonctionnent grâce aux énergies fossiles et le secteur, notamment pour le fret, est difficile à décarboniser. Ainsi, il représente un axe important de la transition énergétique.
Enfin, il rappelle le rôle de l’électrification. Aujourd’hui, en France, le mix est déjà très décarboné. De fait, 70 % de l’électricité est produite grâce au nucléaire et 25 % via les énergies renouvelables. L’enjeu est alors de maintenir ce mix énergétique, il est primordial de prendre des décisions politiques importantes. D’autant plus que la part de l’électricité dans la consommation d’énergie est vouée à augmenter.
De plus, Alexandre Roesch invite à faire attention aux contrevérités qui s’immiscent dans les débats autour de l’énergie. En effet, certaines sources d’énergie, comme le nucléaire et l’éolien, sont des sujets qui deviennent très politiques. Bien souvent, le débat est incomplet et irrationnel. En outre, ce débat tourne presque exclusivement autour de l’éolien et du nucléaire. Or il ne faut pas oublier les autres sources d’énergie comme le biogaz, l’énergie houlomotrice ou encore l’énergie hydraulique.
Que proposent les candidats en matière d’énergie ?
Ce quinquennat sera crucial et tous en sont conscients. Si les cinq porte-parole défendent des visions différentes, ils convergent sur certains points.
Faire des économies d’énergie
Tous les candidats, par la voix des porte-parole présents, s’accordent pour souligner la nécessité de faire des économies d’énergie. C’est un point essentiel qu’ils souhaitent mettre en place immédiatement.
En effet, il s’agit d’un point clé pour se détacher des énergies fossiles. Ainsi, Emmanuel Macron souhaite baisser la consommation de 40 % tout en conservant le confort et la qualité de vie actuelle. De son côté, Valérie Pécresse table sur une réduction de 25 %. Pour réduire notre consommation, Yannick Jadot, comme Jean-Luc Mélanchon, souhaite mettre au fin aux panneaux publicitaire électriques qui se multiplient.
Travailler sur la question de l’acceptabilité
Ici encore, les candidats s’accordent pour souligner le rôle primordial de l’acceptabilité. En effet, bien souvent, les projets connaissent des retards conséquents suite à une forte opposition de l’opinion publique. Pour illustrer ces difficultés, Jean-Marie Brom évoque le cas du parc éolien offshore de Saint-Nazaire. Dès 2012, de multiples recours ont vu le jour. Anthony Cellier explique, qu’en France, il faut compter 9 ans pour déployer un champ éolien, contre 4 en Allemagne.
Il s’agit alors d’écouter les Français et de prendre en compte leur opinion. Ainsi, Yannick Jadot souhaite faire participer les citoyens français au développement des énergies renouvelables. Il souhaite une collaboration, à hauteur de 15 %, entre le gouvernement et les citoyens et la mise en place d’aides pour inciter les Français à s’impliquer.
De son côté, Jean-Luc Mélanchon prône la pédagogie et la discussion. Il est conscient que le déploiement d’énergies renouvelables, notamment de parcs éoliens et solaires, puisse poser des problèmes en lien avec des nuisances (sonores, visuelles…). Cependant, il rappelle qu’il va falloir faire des choix.
Yann Wehrling, porte-parole de Valérie Pécresse, rejoint alors les autres invités. S’il évoque, à tort, qu’aujourd’hui le gouvernement ne consulte pas la population pour le déploiement de projets, il veut surtout évoquer le retour des énergies renouvelables pour les citoyens concernés. Selon lui, une meilleure visibilité concernant le retour direct des énergies renouvelables doit permettre une meilleure acceptabilité. C’est d’ailleurs un point sur lequel le SER veut travailler.
Si la question de l’acceptabilité est importante, le SER rappelle qu’il ne faut pas uniquement se fier aux nombreux recours en justice. De fait, il a mené un sondage en partenariat avec l’IFOP. Ce dernier montre que plus de 87 % des Français sont favorables au développement des énergies renouvelables. Il explique que, si 70 % des projets autour de l’éolien sont attaqués en justice, il s’agit du fruit d’un lobby anti-éolien puissant. Cependant, Alexandre Roesch, DG du SER, rejoint les candidats sur la nécessité de développer une pédagogie autour des énergies renouvelables afin d’expliquer les différents enjeux.
Quel mix énergétique pour la France ?
Sur cette question, les avis divergent. Comme nous avons pu le voir dans notre article sur le nucléaire, les candidats se déchirent quant aux sources d’énergie à exploiter.
Quelle place pour le nucléaire ?
Valérie Pécresse, Emmanuel Macron et Fabien Roussel convergent sur certains points concernant le nucléaire. En effet, les deux premiers souhaitent relancer la filière française du nucléaire. Par la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires, le Président candidat à sa réélection entend atteindre le 50-50. En effet, il souhaite avoir une production électrique basée à 50 % sur le nucléaire et à 50 % sur le renouvelable. Idem, Valérie Pécresse veut construire de nouveaux réacteurs tout en prolongeant la durée de vie des centrales existantes. Cependant, elle ne précise pas la part du nucléaire dans le mix énergétique.
Aussi, Fabien Roussel compte sur le nucléaire. Il est le seul candidat de gauche à le faire. En effet, le candidat entend se reposer sur deux socles. Un premier, basé sur des énergies décarbonées et pilotables (le nucléaire et l’hydraulique) et un second composé d’énergies renouvelables (éolien, solaire). Selon lui, la combinaison de ces deux socles est essentielle pour garantir une sécurité énergétique. Les énergies pilotables sont une condition sine qua non au développement des énergies renouvelables.
Atteindre 100 % d’énergies renouvelables ?
Les deux autres porte-parole présents pour cette matinale partagent une vision diamétralement opposée. En effet, Jean-Luc Mélanchon et Yannick Jadot souhaitent un mix énergétique composé à 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2050.
Yannick Jadot affirme que cet objectif est réaliste si on combine les économies d’énergie à un investissement massif dans le renouvelable. Il entend augmenter la puissance des installations éoliennes existantes, déployer 3 000 nouvelles éoliennes, rendre obligatoire les panneaux photovoltaïques sur les toitures des grandes surfaces (centres commerciaux, parking…).
Le candidat d’EELV souhaite alors sortir, au plus vite, du nucléaire. Selon sa porte-parole, la part importante du nucléaire dans le mix énergétique est une vulnérabilité puisqu’elle entraîne une dépendance à l’uranium, importé du Niger ou du Kazakhstan. Il souhaite alors miser sur toutes les énergies renouvelables : l’éolien, le solaire, l’hydraulique, la biomasse, etc.
Contrairement à Yannick Jadot, persuadé du pragmatisme de son objectif et qui accuse Emmanuel Macron de mettre en place un « plan fumeux » vis-à-vis du nucléaire, Jean-Luc Mélanchon est conscient de l’énorme difficulté de cet objectif. En effet, son porte-parole assume l’incertitude quant à la réussite du 100 % renouvelable. Il entend cependant tout faire pour atteindre, ou du moins se rapprocher, de cet objectif. De fait, le candidat s’engage à ne pas arrêter le nucléaire du jour au lendemain.
Les deux porte-parole évoquent, pour justifier cet objectif, le rapport publié par RTE en octobre 2021 concernant le futur de l’énergie à horizon 2050. Ce rapport comprend un scénario, le scénario M0, avec un mix composé à 100 % d’énergies renouvelables. Pour atteindre cet objectif, le RTE explique qu’il faudrait, par exemple, multiplier par 21 la capacité installée du solaire en 2050.
Si ce scénario est bien présent dans le rapport, les candidats semblent oublier de préciser qu’il est extrêmement difficile à atteindre. En effet, le RTE ouvre la voie à cette possibilité mais elle précise :
« Ces scénarios s’accompagnent de paris importants, et notamment la maîtrise parfaite de l’intégration de l’hydrogène. »
Il paraît donc improbable que la France puisse atteindre le 100 % d’énergie renouvelable d’ici 2050. Fabien Roussel explique d’ailleurs que la production massive de gaz renouvelables serait un exploit mais les technologies ne sont pas encore au point pour permettre une production à l’échelle industrielle.
Une filière de l’énergie complètement publique ?
C’est ce que propose Fabien Roussel. Le candidat du PCF souhaite avoir un EDF complètement public. En effet, il veut relancer une filière industrielle française pour atteindre une indépendance énergétique. Selon lui, il est impossible de le faire sans des subventions massives de l’État.
De plus, il critique le fonctionnement actuel d’EDF. L’entreprise est une société anonyme dont 84 % des parts appartiennent à l’État. Cependant, il explique qu’EDF se comportent de plus en plus comme une entreprise privée qui se concentre sur le bonheur des actionnaires. C’est, pour lui, un frein au développement du nucléaire et des énergies renouvelables.
La mise en place d’un service totalement public, en faisant d’EDF établissement public de caractère industriel et commercial (EPIC), doit permettre à EDF de faire des investissements sur le long terme. Cela suppose donc un pôle financier public capable de faire des prêts avec un taux d’intérêt très faible, voire nul, afin de permettre le développement d’une filière française.
Amar Bellal explique qu’il s’agit d’une question d’intérêt public, d’une question de survie pour la France et l’humanité. Ainsi, la finance doit suivre pour permettre de développer les énergies renouvelables.
Emmanuel Macron, en présentant son programme, a également ouvert la voie à un EDF 100 % public. Il a déclaré :
« Je pense que sur une partie des activités les plus régaliennes, il faut considérer que l’Etat doit reprendre du capital, ce qui va d’ailleurs avec une réforme plus large du premier électricien français. »
En somme, face aux grands défis énergétiques, les projets des 5 candidats divergent. Ils s’accordent sur certains points notamment sur la question des économies d’énergie et la question d’acceptabilité.
Cependant, la question du mix énergétique divise. Certains, comme Emmanuel Macron, Valérie Pécresse ou Fabien Roussel, entendent développer les énergies renouvelables tout en comptant sur le nucléaire. D’autres, comme Jean-Luc Mélanchon et Yannick Jadot, souhaitent sortir du nucléaire et veulent atteindre 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2050. Tout de fois, il est important de souligner que cet objectif semble très, si ce n’est trop, ambitieux.
Tous souhaitent atteindre la neutralité carbone en 2050 néanmoins le chemin pour y arriver diffère. Si le débat organisé par PILOTE et le SER est de bonne tenue, Alexandre Roesch souligne que les candidats se concentrent principalement sur l’électrification. Or, il serait intéressant d’évoquer la question des transports ou encore du chauffage.
Aussi, le directeur général du SER regrette l’absence de l’agriculture dans les débats. En effet, le syndicat prône une complémentarité des usages du territoire. Alexandre Roesch rappelle alors qu’au jour d’aujourd’hui, 20 % des énergies renouvelables sont produites sur les exploitations agricoles. Il est donc essentiel, pour le SER, de se rapprocher de la filière agricole. De plus, la production de renouvelable permet aux agriculteurs d’obtenir un complément de revenu.
Enfin, Alexandre Roesch conclut l’émission est mettant un avant une inquiétude. Si les candidats ont compris l’urgence d’atteindre la neutralité carbone, la question des moyens financiers et humains reste plus vague. Certains candidats n’ont, par exemple, pas chiffré leurs objectifs. Or, il est urgent d’accélérer la transition énergétique.