L’EITI, l’Initiative internationale pour la transparence dans les industries extractives, a fêté cette année son 17ᵉ anniversaire. Inaugurée en 2003, cette initiative vise à favoriser la transparence des informations sur l’ensemble de la chaîne de valeur extractive. Son objectif consiste ainsi à réduire les risques de corruption et de mauvaise gouvernance dans ce secteur. L’extraction est en effet une industrie particulièrement vulnérable aux fraudes et au détournement d’argent public.
Cela conduit bien souvent à une mauvaise gestion des ressources et à une corruption endémique dans les États concernés. Certains économistes parlent même de « malédiction des ressources » pour qualifier ce type de phénomène. Cette problématique est particulièrement présente en Afrique que ce soit dans les secteurs pétroliers et miniers. En Angola, par exemple, on estime à plusieurs milliards de dollars l’argent public détourné par la famille du président Santos.
Dans ce contexte, l’EITI représente une avancée majeure en matière de transparence internationale et de lutte contre les flux illicites. Son bilan apparait toutefois contesté depuis sa mise en œuvre en 2003. Si beaucoup d’experts applaudissent aux efforts de transparence engagés, d’autres sont plus sceptiques sur la portée réelle de cette initiative. 17 ans après sa création, quel bilan peut-on donc tirer de l’EITI dans le monde ?
L’EITI : une norme en constante progression au niveau mondial
Depuis sa création, l’EITI s’efforce de promouvoir ses règles de transparence au niveau mondial. L’objectif est ici de faire de l’initiative une norme reconnue à l’international et un standard contraignant pour le secteur. Pour l’heure, avec 55 pays membres issus de tous les continents, cet objectif a été partiellement atteint. Parmi ces pays, on trouve d’ailleurs énormément d’États africains traduisant une réelle prise de conscience des enjeux de transparence.
L’organisation affiche même des chiffres impressionnants en matière de surveillance des flux financiers. C’est ainsi que près de 3 mille milliards de dollars ont fait l’objet de la norme EITI depuis sa création. Plus de 800 organisations civiles sont également parties à l’initiative ainsi que près de 60 compagnies du secteur de l’extraction. Ce succès s’accompagne également du soutien des grandes organisations internationales telles que le G20 ou le FMI.
Pour ce dernier, une coopération est envisagée pour faire des critères de l’EITI une condition de l’aide apportée aux États. L’organisation assiste ainsi directement le fonds dans ses recommandations aux pays producteurs. À l’avenir, cela pourrait impacter sensiblement la filière extractive en accompagnant la globalisation des standards de transparence.
Malheureusement, pour l’heure, la reconnaissance internationale des normes EITI bute encore sur un certain nombre de poids lourds du secteur. Les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, à l’exception notable de l’Irak, ne font ainsi pas partie de l’organisation. Or, ces pays représentent un pourcentage notable des capacités d’extraction dans le monde. De même, ni la Chine ni la Russie n’envisagent à ce stade leur intégration.
L’EITI : une amélioration limitée de la transparence des industries d’extraction
Afin de favoriser son internationalisation, l’EITI peut compter sur un certain nombre de succès en matière de transparence. Ainsi, dans tous les États membres, on a pu constater une amélioration sensible des contrôles d’audit et de reporting financier. En outre, des études de l’Université de Sussex ont montré des effets positifs en matière d’environnement.
Mais c’est surtout au niveau financier que les progrès ont été les plus spectaculaires. Au Nigeria, par exemple, l’EITI a permis au gouvernement de récupérer près de 2,5 milliards de dollars en royalties. En Zambie, c’est près de 874 licences d’exploitation qui ont été annulées faute d’avoir respecté les standards EITI.
Pourtant, cette amélioration de la transparence reste encore limitée. Les actions menées n’impliquent en effet aucune contrainte de transparence sur les gouvernements nationaux. Or, c’est à ce niveau de gouvernance que se trouve la majorité des cas de corruption. Ainsi, en République démocratique du Congo (RDC), l’adhésion à l’EITI n’a absolument pas entravé la corruption organisée du régime Kabila.
L’EITI, un bilan mitigé en matière de débat public
Pour lutter contre cette corruption au niveau gouvernemental, les promoteurs de l’EITI comptaient sur la mobilisation de la société civile. Lors de sa création, l’organisation avait en effet pour objectif d’encourager le débat public et la sensibilisation des populations locales. Ce débat public faisait même figure de condition sine qua non à l’émergence d’une responsabilité (accountability) sociétale des acteurs.
Or, pour l’heure, le bilan dans ce domaine est extrêmement mitigé. D’un côté, certaines sociétés ont réellement bénéficié de la transparence des informations pour lancer un véritable débat démocratique. Au Nigeria, par exemple, la mise en œuvre des normes EITI a renforcé les demandes de réforme du secteur pétrolier. En Amérique latine, ces normes permettent également d’améliorer le dialogue entre les entreprises et les communautés indigènes.
En revanche, pour beaucoup de pays, l’adoption des normes EITI n’a pas fait progresser le débat public. Ainsi, des pays comme le Kazakhstan ou la RDC se caractérisent par la faiblesse de leur débat démocratique. En réalité, l’importance de ce dernier dépend en grande partie de la force des sociétés civiles. Dans les pays en guerre ou soumis à une dictature, l’absence de société civile limite donc considérablement le débat public.
Depuis 2003, le bilan de l’EITI peut donc être vu comme un verre à moitié plein ou à moitié vide. D’un côté, l’organisation a réussi à promouvoir à l’international une norme applicable de transparence des activités extractives. D’un autre côté, son adoption reste encore limitée du fait de l’absence de véritables contraintes sur les gouvernements.