EDF étudie la cession totale ou partielle de sa division nord-américaine d’énergies renouvelables pour renforcer son programme nucléaire national. L’électricien, entièrement contrôlé par l’État français, cherche à dégager des marges de manœuvre alors que son endettement dépasse 50 Mds€ et que la modernisation de son parc nucléaire et la construction de six nouveaux réacteurs EPR2 nécessitent plusieurs dizaines de milliards d’euros.
La filiale américaine en première ligne des arbitrages
La branche nord-américaine du groupe, EDF Renewables North America, regroupe un portefeuille d’actifs mature, avec 23 GW de projets développés et 16 GW sous contrat de services. Malgré des performances industrielles solides, l’entité subit une pression croissante liée à l’instabilité politique aux États-Unis, notamment après la remise en cause des crédits d’impôt fédéraux et le gel des projets éoliens offshore décidé par l’administration Trump.
EDF a déjà enregistré une dépréciation de près de 900 M€ sur le projet Atlantic Shores, co-développé avec Shell dans le New Jersey, qui a perdu son éligibilité aux contrats d’achat garantis. Cette dépréciation alimente les réflexions sur une sortie stratégique du marché américain des renouvelables.
Comparables de marché et valorisation potentielle
Les premières estimations situent la valorisation de la filiale entre 2 et 4 Mds€, en fonction du périmètre cédé et des conditions de marché. À titre de comparaison, EDPR a récemment vendu 49 % d’un portefeuille de 1,63 GW à Ares pour une valeur d’entreprise de 2,9 Mds$, un niveau de valorisation élevé qui pourrait servir de référence dans les négociations.
La plateforme d’EDF, dotée de contrats de long terme et d’un historique opérationnel robuste, présente un profil attractif pour les investisseurs financiers à la recherche d’actifs décarbonés avec des flux prévisibles. Une cession complète offrirait à EDF une opportunité de renforcer son bilan, tandis qu’une vente partielle permettrait de conserver une présence stratégique sur un marché en mutation.
Une réorientation vers le nucléaire national
Le recentrage sur les actifs français s’inscrit dans une dynamique de souveraineté énergétique. EDF bénéficie sur son territoire d’un cadre réglementaire stabilisé, avec des prix de gros moins volatils et une régulation tarifaire en cours de révision. Le nucléaire français reste un pilier du mix énergétique national, représentant plus de 60 % de la production électrique, avec un appui politique renforcé pour son extension.
La stratégie actuelle, validée par les autorités publiques, mise sur la sécurisation du financement du nouveau programme nucléaire à travers des mécanismes spécifiques, incluant potentiellement un modèle de type RAB (Regulated Asset Base) ou des contrats pour différence (CfD), déjà utilisés dans d’autres pays européens.
Impact sur la chaîne de valeur et les marchés
Une cession permettrait à EDF de simplifier sa structure financière, mais impliquerait une réallocation des actifs vers des opérateurs privés, notamment des fonds d’infrastructure comme Ares, Brookfield ou KKR. Ces acteurs, déjà actifs dans les énergies renouvelables aux États-Unis, se montrent particulièrement intéressés par des plateformes clés-en-main offrant un historique éprouvé et une base contractuelle sécurisée.
À court terme, ce retrait industriel d’un acteur européen pourrait réduire la concurrence sur certains appels d’offres, tout en accélérant la financiarisation du secteur, dans un contexte d’incertitude croissante sur la politique énergétique fédérale américaine.