L’Ecosperity Week de Singapour, qui s’est tenue du 7 au 9 juin, fait ressortir la nécessité de développer le marché du carbone. Parmi les causes, on retrouve la lenteur du développement de divers marchés de conformité en Asie.
Développer le marché du carbone pour permettre une transition juste
Une incertitude quant au soutien des gouvernements à la tarification du carbone persiste. Celle-ci s’inscrit dans le contexte des prix élevés de l’énergie et de la situation macroéconomique mondiale. Sans oublier le ralentissement récent de l’activité d’échange de carbone, qui n’est pas pour rassurer les sceptiques.
Mille milliards de dollars à débloquer d’ici 2030
Pourtant, Mark Carney, envoyé spécial des Nations Unies et présent à l’Ecosperity Week, dénonce ce lent développement du marché. Selon lui, les pays en développement ont besoin de mille milliards de dollars supplémentaires par an d’ici 2025. Cela, afin de permettre leur transition énergétique et de s’assurer que cette transition est juste.
Or, les progrès réels sont insuffisants en la matière. Ainsi, l’objectif initial de 100 milliards de dollars devait être atteint en 2020. Sous le feu de la rampe lors de la COP26 à Glascow l’année dernière, il n’a pourtant toujours pas été atteint.
« Les 100 milliards de dollars doivent, conformément à l’accord conclu à Glascow, être livrés l’année prochaine. Cela ne progresse pas au rythme ou à l’échelle nécessaire à la transition dans le monde émergent et en développement. » – M. Carney.
L’Alliance financière de Glasgow pour Net Zero (GFANZ) a annoncé l’ouverture de son bureau Asie-Pacifique lors de l’Ecosperity Week. Co-présidé par Mark Carney, c’est une coalition d’institutions financières mondiales, spécialisées dans les financements climatiques. Son nouveau bureau devra stimuler les investissements dans les activités climatiques et favoriser la décarbonation de la région.
Ecosperity Week, théâtre d’un appel à l’action gouvernementale
M. Carney a ensuite précisé les moyens nécessaires. Pour lui, les capitaux privés joueront un rôle important, mais « il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que les capitaux privés jouent exclusivement ce rôle. »
Ainsi, les marchés du carbone seraient « le seul instrument financier qui a la capacité » de fournir un financement climatique à l’échelle de mille milliards de dollars. C’est ce que soutient Renat Heuberger, PDG de South Pole, l’un des plus grands fournisseurs de crédits carbone au monde.
Un appel à l’action gouvernementale est donc clairement lancé :
« Parfois, le parfait est l’ennemi du bien. Je demande aux gouvernements d’être courageux, mieux vaut lancer les règles que d’y penser pour toujours. » – Renat Heuberger
Rendre la tâche plus aisée grâce à un marché volontaire ?
Les infrastructures existantes développées par les marchés volontaires du carbone pourraient être utilisées dans les marchés de conformité réglementés. Cela pourrait permettre d’accroitre la finance carbone de manière efficace.
A Singapour, les entreprises du programme de conformité nationale de la taxe sur le carbone sont incitées en ce sens. Elle seront ainsi autorisées à céder des crédits carbone volontaires internationaux de haute qualité pour compenser jusqu’à 5% de leurs émissions imposables. Annoncé au début de l’année, ce dispositif prendra effet en 2024.
Des pratiques similaires en Colombie et en Afrique du Sud indiqueraient une « convergence d’utilisation des cadres » selon M. Antonioli. Pourtant, selon lui, les agences gouvernementales ont « tendance à être quelque peu inefficaces » lorsqu’on « en arrive à l’approche juridictionnelle. » M. Heuberger s’inquiète par ailleurs de la tendance gouvernementale à « essayer de réinventer la roue ».
L’appel de l’urgence
Enfin, M. Heuberger souligne que nous nous trouvons à mi-chemin entre l’accord de Paris et 2030. Il est nécesaire de débloquer des fonds et Mr Heuberger estime que ces derniers devraient s’élever à un capital de 1000 milliards de dollars d’ici huit ans. Il appelle donc à l’action des gouvernements, en utilisant les moyens existants.
« De toute évidence, le volontariat seul ne suffit pas. [Nous] n’avons pas une autre moitié pour tout repenser à partir de zéro. » Il appelle à « simplifier et à utiliser autant que possible ce que nous avons déjà, et à changer d’échelle, d’échelle, d’échelle. »