Un projet stratégique de la chaîne d’approvisionnement en hydrogène entre l’Australie et le Japon, porté par le consortium Hydrogen Energy Supply Chain (HESC), traverse une phase critique, en raison d’obstacles réglementaires en Australie et d’une incertitude croissante sur sa viabilité économique. L’initiative, d’une valeur estimée à 1 milliard de dollars, prévoyait d’exporter de l’hydrogène liquide vers le Japon à partir du lignite abondant dans l’État de Victoria, mais la production locale japonaise a été préférée pour atteindre la phase pilote prévue en 2030.
Une logistique énergétique coûteuse et incertaine
Le recours à l’hydrogène liquide impose un refroidissement à -253 °C, un processus aux coûts opérationnels élevés. Kawasaki Heavy Industries, acteur principal du projet, confirme la poursuite d’études de faisabilité malgré les retards australiens. Le gouvernement japonais soutient actuellement la phase de démonstration à hauteur de 220 milliards de yens (1,4 milliard de dollars), mais des divergences d’approche avec les autorités du Victoria ralentissent l’approbation du volet de production en Australie.
Le gouvernement de Victoria n’a pas répondu aux sollicitations de la presse. Toutefois, des responsables australiens ont évoqué une réorientation commerciale de la part du Japon. Cette décision résulterait notamment d’une opposition croissante de groupes environnementaux au captage et au stockage du carbone, une technologie encore controversée.
Retrait d’acteurs industriels et incertitude technologique
La société Kansai Electric Power Company s’est récemment retirée d’un projet australien d’hydrogène vert, sans commenter les causes. Cette tendance renforce les inquiétudes sur la soutenabilité à long terme de projets similaires dans la région Asie-Pacifique. En parallèle, le Japon continue de produire de l’hydrogène à partir de gaz naturel, de pétrole ou d’énergie nucléaire, mais en quantités limitées.
Selon David Cebon, professeur d’ingénierie à l’Université de Cambridge, les ambitions du projet HESC sont confrontées à des défis majeurs. Il souligne l’échec global du captage du carbone, ajoutant que l’acheminement maritime de l’hydrogène pourrait rendre l’ensemble du projet économiquement irréaliste.
Un marché encore en construction
Le Japon, cinquième émetteur mondial de dioxyde de carbone, dépend largement des importations pour assurer sa transition énergétique. HESC visait à réduire 1,8 million de tonnes d’émissions de CO2 par an, un chiffre à relativiser face aux 974 millions de tonnes émises par le secteur énergétique japonais en 2022 selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Noe van Hulst, conseiller hydrogène auprès de l’AIE, estime toutefois que les projets pilotes demeurent essentiels au développement de cette filière, bien que leur rentabilité et leur déploiement à grande échelle puissent prendre plusieurs décennies. Le développement de l’hydrogène à faible intensité carbone, en particulier pour les industries difficiles à électrifier comme l’acier, le transport maritime ou le ciment, reste un enjeu stratégique non résolu.