Le champ gazier Aphrodite, situé dans le bloc 12 de la zone économique exclusive (ZEE) de Chypre, reste un point de friction entre le gouvernement chypriote et le consortium composé de Chevron Corporation, Shell PLC, et NewMed Energy LP. Depuis sa découverte, ce champ, contenant entre 3,5 et 4,5 trillions de pieds cubes de gaz naturel, est stratégique pour les ambitions énergétiques de la Méditerranée orientale, mais son développement est ralenti par des désaccords répétés sur la manière d’exploiter efficacement ses ressources.
Des ajustements controversés au plan de développement
En 2023, le consortium propose une révision du plan de développement initialement approuvé en 2019, qui inclut la suppression de l’unité flottante de production (Floating Production Unit – FPU) et la réduction du nombre de puits de forage de cinq à trois. L’argument avancé par Chevron et ses partenaires est de minimiser les coûts et d’accélérer la production en éliminant la construction d’infrastructures jugées coûteuses. Les modifications envisagent de connecter le champ directement aux installations de liquéfaction de gaz en Égypte via un pipeline sous-marin. Ce choix est perçu comme une stratégie pour accéder plus rapidement aux marchés, tout en évitant les investissements lourds liés à une FPU.
Cependant, le gouvernement chypriote, par l’intermédiaire de son ministère de l’Énergie, rejette cette proposition, insistant sur l’importance de la FPU pour prolonger la durée de vie du champ et garantir une exploitation efficace des ressources sur le long terme. Cette infrastructure est vue comme essentielle pour maximiser le rendement du champ Aphrodite, une perspective qui ne s’aligne pas avec les objectifs de réduction des coûts du consortium.
Mise en demeure et options de recours
Face aux désaccords, le ministère chypriote de l’Énergie envoie à Chevron, le 25 août 2024, une lettre de mise en demeure pour violation de contrat, stipulant que le consortium n’a pas respecté les termes du contrat de partage de production concernant la réalisation de l’étude d’ingénierie de base (FEED). Cette lettre impose au consortium un délai jusqu’au 7 janvier 2025 pour se conformer aux exigences initiales, sous peine de résiliation du contrat. Les partenaires du champ gazier Aphrodite, bien que disposés à continuer les discussions, étudient les implications de cette mise en demeure et les possibles recours légaux et techniques.
Complexités géopolitiques et implications régionales
Outre les divergences contractuelles, le champ Aphrodite est également source de tensions géopolitiques. Une portion du champ empiète sur les eaux israéliennes, ce qui complique les discussions bilatérales entre Chypre et Israël sur la répartition des bénéfices. Bien que ces deux pays aient signé des accords de coopération énergétique, la découverte d’Aphrodite a ravivé les débats sur les droits d’exploitation transfrontaliers. Jusqu’à présent, aucun accord définitif sur le partage des revenus n’a été atteint, et la situation reste délicate.
En parallèle, les partenaires envisagent de relier le champ à des installations de liquéfaction de gaz en Égypte, une option qui pourrait servir les intérêts de l’exportation tout en contournant les exigences infrastructurelles fixées par Nicosie. Cette solution, bien qu’avantageuse pour les opérateurs en termes de coûts et de délais, est perçue par Chypre comme une réduction des engagements initiaux.
Impacts pour le futur énergétique de la Méditerranée orientale
Les discussions autour du champ Aphrodite mettent en lumière la complexité de la gouvernance énergétique dans la Méditerranée orientale. Alors que Chypre cherche à s’imposer comme un hub énergétique clé dans cette région, l’issue des négociations avec le consortium pourrait avoir des répercussions importantes sur la dynamique énergétique régionale et sur la capacité de l’Europe à diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz. Le fait que Chevron ait obtenu une extension pour finaliser les termes du plan révisé jusqu’au 20 novembre 2024 témoigne de l’importance de trouver un compromis qui satisfasse toutes les parties prenantes.
Pour le moment, la priorité semble être de parvenir à une solution équilibrée qui respecte les contrats en vigueur tout en permettant une exploitation rentable du champ. Les développements à venir autour d’Aphrodite seront cruciaux pour définir les futures alliances et les stratégies de coopération énergétique dans la région.