Le dérèglement climatique devrait impacter lourdement l’hydroélectrique latino-américain, première source énergétique de la région. L’énergie hydraulique apporte en effet 45% de l’approvisionnement énergétique de la région. Elle est amenée à se développer encore pour permettre au sous-continent d’atteindre ses objectifs de développement durable et de réduire ses émissions de carbone.
Ainsi, un nouveau rapport de l’IEA tente d’analyser l’impact du dérèglement climatique sur plus de 86% des installations de la filière dans 13 pays ayant les plus grande capacité hydroélectriques.
Zoom sur les effets néfastes du dérèglement climatique sur l’hydroélectricité latino-américaine et les mesures de résilience mises en place.
Le dérèglement climatique menace la première source d’approvisionnement énergétique continentale
196 GW d’hydroélectrique : 45% de l’approvisionnement électrique régional
Le dérèglement climatique est en train de modifier le paysage énergétique latino-américain. Sur ce continent, l’hydroélectricité est la principale source de production d’électricité. Elle représente en effet 45% de l’approvisionnement total en électricité.
La capacité totale hydroélectrique installée est ainsi de 196 GW en 2019. Cela a permis à l’Amérique latine de devenir la région avec la plus grande part de production d’énergie renouvelable (EnR) au monde.
Le rapport de l’IEA prévoit que l’hydroélectricité en Amérique latine restera importante et augmentera probablement jusqu’en 2040. En 2019, la région a connu le taux de croissance hydroélectrique le plus rapide. Elle est ainsi devenu la deuxième région avec la plus grande capacité ajoutée au monde.
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Les ODD favorisent le développement de l’hydroélectrique
Au-delà des caractéristiques spatiales de la région, les Objectifs de Développement Durable pour 2030 des Nations Unis sont un facteur déterminant de cette tendance. En tant que principale source d’électricité décarbonée, l’hydroélectrique joue un rôle essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique.
Elle offre par ailleurs une solution de flexibilité rentable pour équilibrer la variabilité d’autres EnR. L’étude souligne enfin l’impact positif que peuvent avoir, sous certaines conditions, les installations hydrauliques pour réguler le partage de l’eau.
Or le dérèglement climatique pourrait bien mettre et en péril le modèle latino-américain centré sur l’hydroélectrique avant même que ce dernier n’atteigne ses objectifs.
– 8% de capacité de production sur la période 2020-2059
L’étude compare la capacité de production hydroélectrique de chaque pays entre 2020 et 2099 avec celle de la période allant de 1970 à 2000. Elle montre que la capacité de production hydroélectrique diminuera en moyenne de 8% sur la période 2020-2059 par rapport aux années 1970-2000. La production sera inférieure de 11% en moyenne sur la fin du siècle, comparé à la même période de référence.
L’évaluation de l’IEA analyse trois scénarios différents. Le scénario 1 dans lequel la température moyenne mondiale restera en dessous de 2 °C d’ici la fin du siècle. Le scénario 2 dans lequel la température moyenne sera en dessous de 3 °C. Enfin le scénario 3 dans lequel la température sera au-dessus de 4 °C. Chacun de ces scénarios représente un niveau différent de concentration de gaz à effet de serre (GES).
La comparaison des trois scénarios démontre qu’une hausse des GES, et donc de la température, accroît les impacts négatifs sur la production hydroélectrique.
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Comment le dérèglement climatique impact la production hydroélectrique de l’Amérique latine ?
Des évènements météorologiques extrêmes plus fréquents
Le rapport de l’IEA évoque la hausse des températures, la fluctuation des pluies, la fonte des glaciers et l’augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes. Ces aléas affecteront toute l’Amérique latine mais de manière très hétérogène, ce qui rend les projections très incertaines.
L’étude de l’IEA affirme néanmoins que la production hydroélectrique souffrira partout des mouvements du débit de l’eau. Que ce soit la variabilité du débit, le déplacement des débits saisonniers ou l’augmentation de l’évaporation des réservoirs.
Par ailleurs, les différents aléas augmenteront les dépôts des sédiments. À terme, cela fera baisser la capacité des barrages pouvant même les rendre inutilisables.
Exposition et vulnérabilité des infrastructures
Ces aléas peuvent aussi endommager physiquement les infrastructures. L’étude évoque entre autres les pluies torrentielles qui ont gravement endommagé la centrale hydroélectrique de Callahuanca au Pérou en 2017. Les dégâts avaient été si dévastateurs que la centrale avait dû être fermée pendant deux ans.
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50% des infrastructures hydroélectriques d’Amérique latine ont plus de 30 ans
Les dommages potentiels liés aux événements climatiques sont d’autant plus préoccupants que nombre d’infrastructures sont vieillissantes. La durée de vie technique d’une installation au Pérou est d’entre 81 et 104 ans alors que les standards mondiaux vont de 30 à 80 ans. Plus de 50% des infrastructures hydroélectriques d’Amérique latine ont plus de 30 ans.
Les politiques publiques au centre des solutions proposées par l’IEA
Le rapport de l’IEA propose un ensemble de solutions aux États afin de pérenniser leurs réseaux hydroélectriques. Elle pointe les politiques publiques comme facteur déterminant de la mise en œuvre des réformes nécessaires.
Placer la résilience climatique au cœur des politiques énergétiques
Les gouvernements peuvent d’abord intégrer la résilience climatique de leur système électrique dans leurs politiques énergétiques nationales. l’IEA les encourage notamment à adopter des réglementations de soutien aux initiatives tendant à cette résilience.
Or actuellement, seuls 6 des 13 pays étudiés ont intégré l’impact climatique sur l’hydroélectricité dans leurs politique énergétique nationale et ont suggéré des actions dans leurs plans d’adaptation du secteur.
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Mobiliser les investissements dans la modernisation des centrales hydroélectriques
L’étude relève que l’accès au financement pour la modernisation des centrales hydroélectriques pose trop souvent problème. Les investisseurs privés ont en effet tendance à éviter ce genre de projet. Le doute quant à l’évolution climatique et la propriété étatique des infrastructures sont évoqués comme explications de ces réticences.
L’étude encourage donc le développement des co-financements publics/privés comme moyen d’attirer les investissements privés. L’IEA encourage aussi les Partenariats Publics Privés avec redevance pour les mêmes raisons.
Elle recommande enfin que les États et organisations internationales de financements comme la Banque interaméricaine de développement (BID) prennent en charge la tranche la plus risquée des investissements.
Développer les assurances contre les risques climatiques
Bien que les services publics aient intérêt à assurer leurs actifs contre les effets du dérèglement climatique, ils sont réticents à payer des frais d’assurance élevés. De plus, les assurances se limitent trop souvent à couvrir les dommages sur les biens matériels et la perte de revenus, plutôt qu’à couvrir ceux plus larges sur la société et sur l’économie.
L’IEA encourage dans son analyse le développement d’assurances abordables contre les risques climatiques. Elle appelle les gouvernements et les institutions publiques à soutenir ces outils financiers afin d’éviter des charges excessives pour les services publics.
Soutenir la recherche scientifique
Selon une étude de la Banque Mondiale, un projet de construction d’une infrastructure résiliante réalisé sans données préalables sur les risques climatiques coûtera dix fois plus cher qu’un projet disposant d’informations suffisantes. Cela est d’autant plus vrai en Amérique latine où l’impact du dérèglement climatique varie fortement d’une région à l’autre.
L’IEA appelle donc les gouvernements à soutenir la recherche scientifique sur les modèles climatiques futurs et leurs impacts. Elle les encourage à fournir un soutien financier important à la recherche sur le climat. Elle préconise aussi une amélioration de l’accès aux sources de données climatiques nationales et une mise à jour constante des systèmes d’information.
En outre, l’hydroélectrique devrait rester la premier source énergétique du sous-continent malgré ces menaces. Celles-ci pourraient d’ailleurs, comme dans d’autres régions du monde, se transformer, aussi, en problématiques géopolitiques. La ressource en eau étant généralement partagée entre plusieurs nations, à l’image du continent africain déchiré sur ce sujet.
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