Des délais et des coûts supplémentaires : le chantier de la centrale nucléaire EPR construite par EDF à Hinkley Point en Angleterre connaît un nouveau dérapage. Toutefois, le gouvernement britannique a cependant minimisé son impact pour le Royaume-Uni vendredi.
Retard et hausse des coûts
Le démarrage du premier réacteur est désormais prévu “en juin 2027”, a dévoilé l’énergéticien français dans la nuit de jeudi à vendredi.
La centrale, en construction depuis 2016 dans le Sommerset (sud-ouest de l’Angleterre), devait démarrer initialement fin 2025. Un calendrier déjà reporté l’an dernier à juin 2026.
Pour les deux unités, le risque de retard est désormais “évalué à 15 mois”. Sous réserve qu’il n’y ait pas de nouvelle pandémie ni d’effet additionnel de la guerre en Ukraine, selon EDF. Ainsi, elle chiffre le nouveau surcoût à au moins 3 milliards de livres (3,5 mds EUR environ).
La centrale devrait coûter “entre 25 et 26 milliards de livres sterling”. Contre 18 milliards prévus en 2016 lors du feu vert de Londres.
Londres continue à travailler avec EDF
Le gouvernement britannique a dit vendredi vouloir continuer à “travailler étroitement avec EDF pour finaliser Hinkley Point C”. De plus, il souligne que le surcoût n’incomberait pas aux Britanniques.
Le retard est mis par EDF sur le compte de la pandémie qui a entravé les possibilités de travailler, et à un volume supplémentaire d’études et de travaux de génie civil.
Néanmoins, le projet controversé depuis l’origine est contesté par les syndicats français pour son coût.
“Si le gouvernement (britannique) avait investi autant dans l’éolien offshore que dans Hinkley C, nous aurions eu trois fois plus d’énergie en une fraction de temps”, a fustigé vendredi l’ONG écologiste Greenpeace, estimant que le retard dans cette nouvelle source d’électricité retombera au final indirectement sur le contribuable britannique.
Déboires accumulés
L’EPR (European Pressurized Reactor) est un modèle de réacteur nucléaire plus puissant. Il est conçu pour être plus sûr que les générations précédentes.
Trois sont terminés, en Finlande et en Chine, et trois sont en construction, un en France et deux à Hinkley Point. Mais le réacteur finlandais (Olkiluoto-3) a démarré en mars avec 12 années de retard. Sur les deux EPR chinois mis en service en 2018 et 2019, l’un est à l’arrêt depuis juillet 2021 pour des problèmes techniques.
Quant au réacteur français, à Flamanville, les retards cumulés atteignent 11 ans pour un chargement du combustible. Il est désormais prévu au 2e trimestre 2023. Le coût s’élève à 12,7 milliards d’euros, quatre fois plus qu’annoncé en 2006.
EDF cumule les mauvaises nouvelles cette année. Le groupe a dû être recapitalisé en avril. De plus, son bénéfice va plonger en large partie car l’Etat français lui a demandé de vendre plus d’électricité à prix bas.
Le groupe doit aussi résoudre un problème de corrosion de conduites. Au total, plus de la moitié des réacteurs de France sont aujourd’hui à l’arrêt pour maintenance.
Londres et le nucléaire
Hinkley Point C est la seule centrale nucléaire en construction au Royaume-Uni. EDF exerce la maîtrise d’ouvrage et son partenaire chinois CGN détient un tiers du projet.
Elle jouxte la centrale Hinkley Point B, mise en service en 1976. EDF prévoit de la stopper d’ici juillet – même si Londres envisage de la prolonger, d’après The Guardian, pour ne pas réduire sa production énergétique basse carbone à l’heure de l’urgence climatique et de la guerre en Ukraine.
Un rapport parlementaire britannique dénonce d’ailleurs vendredi la fermeture prévue d’ici 2028 de sept centrales nucléaires qui ont été vendues en 2009 à EDF. Il estime qu’elle aura pour conséquence “une réduction importante de la production d’énergie au Royaume-Uni”.
D’après ce rapport, le contrat de vente des centrales à EDF fait peser un “risque disproportionné” sur le contribuable britannique pour le futur démantèlement de ces centrales. Celui-ci devrait coûter encore des milliards de fonds publics, après déjà 10,7 milliards de livres en deux ans.
Le nucléaire pour atteindre la neutralité carbone
L’ambition outre-Manche est de maintenir à 20% la part du nucléaire dans le bouquet énergétique afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Or, il y a actuellement 15 réacteurs au Royaume-Uni sur 8 sites. Londres veut produire 95% d’électricité bas carbone d’ici à 2030.
En France, l’EPR reste au cœur de la stratégie énergétique et climatique. Le président Emmanuel Macron a annoncé son intention de relancer un programme nucléaire avec six réacteurs de nouvelle génération EPR2.
La première mise en service n’est pas attendue avant 2035 ou 2037, pour un coût massif estimé à plus de 50 milliards d’euros pour six réacteurs.